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Rammstein, Deuschland et la mère patrie?

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Le 28 mars 2019, Rammstein présente son nouveau clip sur Youtube. Sa publication s’accompagne encore une fois d’une polémique. 

Mais est ce qu’il y a vraiment polémique ?

La seule solution est de regarder l’objet du délit. Je clique sur le lien. Je montre patte blanche, car il faut bien être un adulte pour accéder à ce contenu. A l’affichage de la vidéo, un pavé de plus de 9 minutes s’annonce.

Moteur. Ça tourne. Action !

On est frappé par l’esthétisme et la richesse de l’image. C’est un foisonnement de références qui assaillent le spectateur et qui lui posent beaucoup de questions.

Quel est la position de ce clip dans l’oeuvre global du groupe ?

Sans conteste, il est attaché à l’histoire et au passé de Rammstein par de nombreuses allusions aux titres qui ont émaillé leur carrière comme « Du hast », « Sonne », « Engel »… Il va plus loin en revisitant l’histoire allemande de l’Antiquité à nos jours en poussant jusqu’à imaginer le futur. Les périodes évoquées sont l’empire romain et les tribus barbares, le Moyen Age, l’Inquisition, l’unification allemande avec Bismarck, les années 20, le 3ème Reich, la Guerre froide et les années 70. De cette évocation naît la polémique et la première question.

Les allemands peuvent-ils parler de leur histoire ?

Pour évoquer l’Allemagne nazie, ils présentent la solution finale à travers une mise en scène on l’on voit dans le détail toutes les populations qui ont subis les persécutions : homosexuels, juifs, tziganes, handicapés mentaux… Elles sont présentées dans le même costume. Dans le détail, un seul élément permet de les distinguer, un insigne sur leur poitrine, dont l’étoile jaune, le triangle rose… L’histoire dans ce qu’elle a de douloureux ne peut être le pré carré de certains. Le clip en est la preuve en associant les obscurantismes idéologiques et religieux dans la scène de l’autodafé avec un bûcher alimenté par des nazis accompagnés de moines. Il montre ainsi que l’histoire n’est qu’un éternel recommencement.

Deux fils rouges, un rayon lumineux qui apparaît et la figure de Germania, joué par une superbe actrice noire tissent le réseau d’images de ce très beau clip. Le personnage est intéressant tant il est ambiguë et universel au final. Germania, tout comme Marianne, représente son pays. En soit, elle symbolise un certain nationalisme dans ce qu’il a de flamboyant et de décadent. Elle arbore ainsi les costumes des différentes époques.

« Le sommeil de la raison engendre des monstres. » Francisco Goya

Ce personnage est associé à d’autres figures de pouvoirs qui vont la corrompre, en se nourrissant littéralement sur elle, avec la scène des moines qui mangent sur le corps de Germania, jusqu’à ce qu’elle accouche de chiens, symbole de l’asservissement humain et animal qui est renforcé par la présence des vaches qui vont alimenter les nouveaux-nés.

Germania devient alors une figure universelle en tant que berceau de l’Humanité. Pour rappel, les scientifiques placent la naissance de l’Humanité en Afrique. A la lumière de cet élément le casting de l’actrice prend tout son sens.

On comprend mieux cette dimension universelle quand on essaye de faire des parallèles avec notre propre Histoire et des images qui nous reviennent en tête : les celtes et les romains, Jeanne d’Arc, l’inquisition…

On perçoit alors que l’Histoire de chaque pays devient notre Histoire. Bons nombres d’inventions allemandes ont influencé le monde entier comme l’ont fait les Français. Dans le clip, on voit un U-boat, le zeppelin et des fusées V2. La dernière invention citée a permis à la NASA de développer son programme spatiale par le recrutement de scientifiques nazis.

On pourrait passer encore plus de temps sur ce clip tant il est riche. Il constitue une vrai leçon de cinéma qui permet d’allier l’esthétique au message qu’il véhicule.

Les paroles et les images s’associent pour souligner l’idée de l’identité et de la culture nationale.

Comment dans notre société mondialisée peut-on se faire une culture propre à soi qui prennent en compte notre identité nationale, sans avoir à se justifier du passé, ni être taxé d’extrémiste, avec tout ce que cela comporte d’ambiguïté ?

Censurer cette question avec le clip de Rammstein comme le fait Google n’est pas la solution. Ce clip appelle à la discussion.

N’est ce pas le propre de l’art ?