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FauxX, entrevue avec Joachim

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À l’occasion de la sortie de leur album StatistiC EgO, le groupe FauxX (Prononcez Faux), représenté par Joachim Blanchet, nous en dit un peu plus sur cet opus judicieusement indescriptible, construit avec Jean-Baptiste « Job » Tronel, batteur des Tagada Jones. En effet, sorti le 28 mai dernier, cet album est la concrétisation de leur premier EP sorti en 2018.

Par le truchement de notre logiciel de visio-conférence préféré, voici donc les propos simples d’un musicien complexe.

Mad Breizh : Je suis donc en compagnie de Joachim. Salut !

Joachim Blanchet : Ouais salut ! [Dans une gentillesse nonchalante, attentif et pourtant tout cool. Ndr]

MB : Alors ce projet FauxX, ce n’est même pas un projet, c’est carrément un groupe ?

JB : Oui mais tu peux l’appeler « Faux », en fait on ne prononce pas le X à la fin.

MB : Je lisais quelque part que c’était une faute de frappe qui avait décidé du deuxième X.

JB : On s’est dit que c’était assez spontané. C’était histoire de déformer, d’y mettre une particularité dans une affirmation négative. Comme si les choses étaient fausses. On a faux, tous ont faux… Quelque chose comme ça.

MB : C’est un concept donc. Le groupe s’est formé en 2017 mais vous vous connaissez depuis longtemps ?

JB : On se fréquente depuis un moment, on est tous les deux de Saint-Brieuc. Donc on s’est croisé sur quelques projets. J’ai collaboré avec lui sur des projets studio. Ils avaient besoin de clavier à l’époque pour un projet en particulier puis après on s’est croisé sur des concerts. Des fois on se prête du matos.

 MB : Et toi perso tu as toujours été un clavier ?

JB : Bah j’ai été batteur aussi c’est pour ça qu’avec Job on s’est croisé. J’allais lui emprunter du matériel pour le studio, lui emprunter de la caisse claire pour avoir des sons en plus pour le studio. Donc du coup c’est comme ça qu’on se voyait de temps en temps.

MB : Finalement cette connaissance entre vous, de connaître les goûts de l’autre, a donné l’envie de faire quelque chose de décalé niveau musical ? Vous avez commencé avec l’EP en 2018 et ça se confirme avec ce qui nous intéresse aujourd’hui StatistiC EgO.

JB : Oui exactement.

MB : J’ai eu du mal à trouver les informations sur toi mais tu es black metal à la base.

JB : Oui, moi je suis de cette culture là. J’ai eu de grosses révélations. Je me rappelle de Metallica quand j’avais 10 ans. J’ai pris une grosse claque avec Kreator. Et à 13 ans j’ai écouté un Deicide, un Mayhem. Je suis arrivé dans un autre monde ! Je ne m’attendais pas à ça. J’écoute beaucoup de musique, essentiellement du métal mais pas que ça. Je vais aussi voir ailleurs. Mais ça fait vraiment partie de mon univers musical. La musique extrême particulièrement, celle qui vient des années 90. La scène scandinave était florissante et c’était là-bas que sortaient les groupes de black qui renversaient les croix. Je viens de ça oui.

MB : Ben du coup quand j’ai écouté votre album, ce qui m’a frappé c’est à la fois ce côté rude et ce que toi-même tu appelles une erreur maîtrisée. C’est quelque chose de très volontaire mais finalement c’est quand même assez planant dans son ensemble. C’est un fil rouge tout au long de l’album.

JB : C’est le clavier qui amène ça je pense. Il y a des références, notamment un titre qui est le titre instrumental. Il s’appelle Funeral Transhuman. Quand j’ai commencé à le faire, c’était une référence à des groupes que j’écoutais à l’époque comme Emperor. Je me rappelle d’un morceau très planant sur un de leurs albums. Forcément il y a cette connotation, cette référence qui a été posée avec les claviers saturés et la batterie de Job. Il y a ce liant oui.

 MB : Tu disais avoir un historique de batteur et malgré le talent artistique de Job, quand tu composes, tu fais les claviers, la voix, les machines. Mais as-tu déjà une bonne image de la séquence batterie ? Comment ça se compose, un morceau entre vous deux ?

JB : Il y a deux méthodes. Sur cet album, le morceau qui ouvre, Alt Light Rebirth, n’a été fait qu’avec les batteries de Job. Il venait chez moi, on mettait les micros autour de la batterie, et lui il déroulait. Il avait des idées un peu comme on note sur un papier brouillon. Moi j’enregistrais les sons, je les découpais, et je les mettais de côté. Je les classais par tempo, par rythme. C’est ce qui m’a sorti de ma zone de confort. J’avais du son assez brut et je devais mettre des claviers dessus. Et au contraire, sur d’autres morceaux, je suis parti des claviers. J’avais bien en tête ce que je voulais faire et j’ai mis des batteries dessus. Il y a même des morceaux que j’ai fait assez rapidement. En quelques jours la trame était faite. Dans ces cas là, je lui apporte [à Job. Ndr] une maquette avec des batteries simples, programmées par ordinateur. Mais déjà il a toute la trame. De son côté, Job rebosse le morceau, il refait sa batterie et il va donc apporter sa touche. Il va amener son jeu et sa nouvelle rythmique. Du coup c’est un peu comme une conversation. On se dit des choses et on argumente au fur et à mesure pour monter le titre comme ça.

MB : Lorsque vous composez à partir de clavier, de machine et finalement de logiciel de production informatique, même si Job a sa touche « athlétique », comment se prépare un live ? Y a-t-il une place pour l’improvisation ? Dans un live on peut exprimer un sentiment nouveau, surtout en ce moment où vous serez sûrement très content de remonter sur les planches. Par exemple, est-ce que vous travaillez au clic pour le live ?

JB : Oui on est au clic. Il y a un ordinateur sur scène. Moi j’ai trois claviers : un clavier basse, un clavier qui fait toutes les textures saturé, qui se rapproche d’une guitare. Ce clavier me sert à me projeter comme si j’étais avec une guitare. Je produis les mêmes accords. Et j’ai un autre clavier qui fait les choses un peu plus particulières. Du coup comme on est deux, il reste des doublage qui sont sur l’album, et les machines qui se superposent. Des machines rythmiques. Finalement on joue avec un ordi, des machines, du coup on a besoin d’un clic. On est en train de préparer pour l’année prochaine un step, on prépare des morceaux pour leur donner un côté plus live justement. Pour éviter que ça fige trop le truc. C’est aussi le danger. Par exemple, on a investi dans des pads électroniques donc on va pouvoir jouer avec ces pads en plus des machines. Donc ça va renforcer l’effet visuel. On essaye de prendre en compte l’aspect live. Comme tu disais, on veut garder les sensations et se donner une marge de manœuvre même si on bosse au clic. Mes claviers ont besoin d’être synchronisés. S’ils n’ont pas de clics, ils sont pas au tempo. On travaille également avec des éclairagistes qui bossent au clic aussi. On ne fait pas tout au clic avec la lumière. Mais on prépare une base pour la batterie, avec des effets très rythmiques de la lumière. Comme ça l’éclairagiste n’as pas besoin de le faire. Il a moins de boutons à gérer. Du coup ça lui laisse plus de place pour le feeling ce qui est plus cool pour lui. Il a pas besoin de faire le cheminot, à transpirer pendant tout le concert. Le clic nous apporte donc des avantages mais on se laisse une marge de manœuvre pour pas que ce soit trop figé. Il ne faut pas que ça fasse trop ordinateur sur scène.

 MB : De toute façon, il y a la passion qui se sent en live. Tu es en direct, tu es content et malgré la déformation de voix, qui rappelle les voix de black métal quelque part, avec cet aspect industriel que vous souhaitez donner à votre musique, ça dénature mais sans dénaturer. D’ailleurs quand on essaye de trouver des termes pour poser des questions sur votre travail, on tombe toujours sur un mot et son contraire. C’est ça qui est marrant aussi.

JB : Bah c’est cool. C’est vrai que le mot qui revient souvent c’est « opposition ». Dans l’album, il y a la volonté de mettre en opposition pas mal de choses. Job et moi sommes différents. Je suis très intérieur et lui il est très extérieur. On le voit beaucoup au quotidien, il a une énergie. Moi je suis plus réservé. Du coup à nous deux, la musique nous a reliés. Alors que sur le papier ça n’aurait pas forcément collé comme ça. On est pas du même courant musical, lui il est punk hardcore, et les musiques de niche un peu barrées. Moi je suis plutôt musiques Black, Death. Alors comme ça, sur le papier, la feuille de match n’était pas gagnée. Il y a aussi la particularité du groupe.

MB : Bah du coup le titre de votre album StatistiC EgO montre à lui seul déjà cette dualité, et cette opposition qui vous représente. Donc sept titres, 45 minutes, vous aviez fait le tour sur cet album de ce que vous vouliez exprimer ? Et d’ailleurs, sorti depuis un mois maintenant, avez-vous déjà des retours ? Des bons et des mauvais toujours dans les oppositions j’imagine. [Humour du rédacteur…]

JB : Je t’avoue qu’on a quand même des bons retours. L’avantage c’est que c’est une musique, pas de niche, mais il faut aller la chercher. Les personnes qui vont écouter cette musique là, vont la voir à la limite « pas trop par hasard ». On a pris l’agence Singularité pour ça justement, pour pouvoir nous offrir un maximum de visibilité sur cet album là. Donc on a quand même de bons retours faut l’avouer. L’année dernière je ne savais pas quoi en penser, j’ai pensé que ce serait assez versatile comme album et qu’il allait partir dans tout les sens.

MB : Sans trop dévoiler de secrets d’État, on a à peu près le même âge. Je me rappelle des années 90, l’électronique quand ça s’est durci un peu. Ta voix qui rappelle le Metal, la batterie qui s’envole avec ce côté rock. Pris élément par élément, ça peut forcément plaire à beaucoup de monde. Après le tout c’est de mettre des écouteurs et de se laisser porter par l’ensemble. C’est sûrement là qu’on trouve notre intérêt dans ce chaos volontaire ?

JB : C’est vrai que mine de rien, il n’y a pas mal d’influences. Que ce soit en terme de sonorités, d’approche des morceaux. Et pour revenir à ta question sur la durée de l’album, les 45 minutes, c’est parce que le vinyle revient en force et donc on était contraint par le format. Notre album passe pile poil sur un vinyle ! C’était pas calculé mais c’est passé au chausse-pied. Du coup on avait d’autres morceaux en cours mais on s’est dit que c’était le moment de commencer à envisager le studio pour le faire. Si on ne se donne pas de deadline, il y a des morceaux qui traînent, on repousse de six mois, et finalement ça va assez vite le calendrier de production. Le temps de le mixer, de le masteriser, il va se passer facilement deux ans. Et sans trop de glandage ! Donc avec ces contraintes-là, on s’est dit qu’avec ces morceaux on était bien. On a été jusqu’au bout de ses morceaux là. Il y a eu des morceaux qui ont été faciles à faire, et d’autres pour lesquels on est revenu beaucoup dessus. Notamment Alt Light Rebirth. On l’a cassé au moins trois fois autour de la batterie de Job.

MB : Vous l’avez cassé plusieurs fois parce qu’il est l’introduction de votre album et qu’il amène tout le reste ?

JB : Non pas du tout. Ça dépendait des propositions. Je me rappelle : j’étais content, j’avais passé beaucoup de temps à faire des placements de basse avec les claviers. J’ai fait écouter à Job, j’étais content de moi, et là il me dit que c’est bien mais qu’on part ailleurs. Que l’on est plus du tout dans les sons que l’on voulait apporter. Du coup j’étais contrarié et en même temps il avait raison. Il n’avait pas passé plusieurs jours sur le morceau et avec son oreille avisée, il a réagi. Mais idem, moi sur ses batteries, je peux revenir aussi. On travaille à deux. Sur l’album comme sur l’EP, c’est moi qui ai enregistré les batteries. En fait, on discute beaucoup des prises et des déroulements de tomes, des placements de caisse claire et des choix de cymbales. Du coup y’a beaucoup d’allers retours et de remises en question. Donc c’est vrai qu’il y a des morceaux qui prennent beaucoup de temps. Certains morceaux ont eu trois versions.

 MB : StatistiC EgO est un album qui est également auto produit. Ce qui procure une certaine liberté, peut-être une facilité. Vous aviez sûrement la possibilité de le faire mais est-ce que c’est important aussi par rapport au concept de cet album ?

JB : Non. Comme on est un groupe en devenir, déjà sur l’EP c’était parti comme ça. C’était un pied à l’étrier de poser les bases de ce qu’on voulait faire. Donc on la fait en auto prod’ aussi. Je bosse beaucoup en studio. Je fais de la prise de son. Je me suis associé avec un studio en Bretagne, et donc j’ai accès facilement à un studio. Avec cet album là, personne ne nous attendait. On a commencé à le faire, on a fait des prises, moi j’ai fait mes claviers et mes voix. On s’est aussi mis à la recherche d’un label, mais en tant que groupe en devenir on n’avait pas assez à manger pour un label. En plus on avait pas eu l’occasion de jouer. Ils nous ont donc dit « recontactez-nous pour un deuxième ». Ça leur permettait, entre-temps, de voir ce qu’on donnait. Donc ce n’était pas vraiment un choix, c’est un album auto produit. On espère faire autrement plus tard mais ce n’est pas une contrainte. Avec l’expérience que l’on a, je pense qu’on sait faire. Le plus compliqué c’est l’argent. Il faut pouvoir sortir un peu de thune pour le stud’, le mix, le mastering, pour le graphisme, etc. [A noter que la liaison optique et vocale entre nous se met furieusement à saccader. Damned! Ndr]. Après on connaît un peu de monde, donc on a beaucoup fait en échanges de bons procédés. C’est-à-dire qu’on s’échangeait du temps. Certains pour du studio, pour essayer de s’arranger.

MB : Le monde se réanime un petit peu maintenant. Du coup en terme de projet à court terme moyen terme, tu me parlais tout à l’heure de chansons qui était en suspens, et un live à préparer j’imagine, qu’en est-il pour FauxX ?

JB : En ce moment, on bosse le live. À l’automne on va rebosser le live dans plusieurs salles. Il y a plusieurs salles qui ont bien accroché sur le projet. On collabore avec des éclairagistes qui sont super et apportent vraiment leurs compétences. Donc il va y avoir un petit visuel. On est en train de créer un aspect scénographique, une petite structure qu’on pourra poser sur scène entre nous deux. Mais je vais pas trop en dire. On réfléchit là-dessus. L’idée c’est de pouvoir jouer en 2022. Ça serait cool. On commence déjà à discuter avec des groupes avec lesquels on pourrait jouer. L’année dernière on devait faire la première partie de Loudblast à Quimper, mais avec la Covid, c’est tombé à l’eau. Ça ne sera que partie remise.

MB : Au Novomax ?

JB : Oui c’est ça. On va prendre la résidence là-bas cet hiver.

MB : Et bien vu que je n’habite pas trop loin, je viendrai vous rendre une petite visite et peut-être poser les questions que j’avais préparé à Job.

JB : Oui il ne pouvait pas ce soir.

MB : Le temps est précieux, ça se comprend. Quoi qu’il en soit, je te remercie pour le temps que tu m’as consacré ainsi qu’à Mad Breizh. Surtout prenez soin de vous, et peut-être à bientôt sur Quimper alors. Merci bien

Monsieur Joachim Blanchet : A bientôt. Oui sur Quimper ou bien par là, dans le coin. Merci à toi et bonne soirée.