Ndlr : Interviews : Pierre pour Mad Breizh, chant), Nicolas (chant / guitare) et Daniel (claviers / chant) pour Los Disidentes Del Sucio Motel. abrégé en LDDSM par souci de simplicité.
Bonjour à tous, c’est Pierre en direct du Hellfest, et vous connaissez la chanson, puisque déjà la veille j’étais avec Dust In Mind. En tant que représentant alsacien de la rédaction, je suis encore avec un groupe strasbourgeois, qui a joué hier sur la Valley à savoir : Los Disidentes Del Sucio Motel.
Si vous ne connaissez pas encore, c’est un groupe (et vous me corrigez si je me trompe) qui a commencé en évoluant dans l’univers du stoner et qui nous a entraîné sur leurs deux derniers albums sur des univers un peu plus progressifs on va dire.
Alors vous avez joué en 2017 sur la Hell Stage (ndlr : erreur de ma part, c’était déjà sur La Valley) et donc hier sur la Valley.
LDDSM : C’était déjà sur la Valley en 2017.
Pierre : je corrige donc, sur la Valley en 2017
LDDSM : On avait fait le Metal Corner en…. Greg n’est pas là mais c’est un truc genre en 2011 juste avant les Eurockéennes.
Pierre : Donc une longue histoire avec le Hellfest.
Je voulais déjà commencer par évoquer cette évolution que vous avez eu sur les deux derniers albums. Je voulais savoir comment s’était opéré ce changement ? Est-ce que c’était l’impression d’avoir fait le tour d’un genre ? L’ envie d’explorer d’autres univers ? D’apporter une nouvelle dynamique ? Quel était le projet derrière ?
LDDSM : Oui c’était un peu les trois. Quand tu dis « l’impression d’avoir fait le tour d’un genre », c’est pertinent ce que tu dis parce que inconsciemment c’est un peu ça. Même si ça peut paraître prétentieux, on ne fait jamais le tour d’un style complètement. Je veux dire que nous en tout cas, on ne trouvait plus autant de plaisir dans ce style-là, on avait un peu l’impression de tourner en rond, c’est plutôt ça. Comme c’est un truc que l’on déteste faire, se répéter, à un moment donné on s’est dit « pourquoi on ne s’ouvrirait pas à nos autres influences » ? On est de la génération née dans les années 80. On est tous des enfants du grunge et du metal. Donc on a forcément une culture et des influences diverses, Metallica etc…, on était ados quand on a connu ces groupes-là. A un moment donné on s’est dit : « OK, essayons d’inclure aussi ces influences-là dans nos racines stoner ».
Ça a commencé avec l’album « Arcane », on a commencé à ajouter un petit peu de noirceur. Après sur l’album « Human Collapse », on a été plus profondément dans cette noirceur avec une prod’ plus metal notamment parce que c’est Kurt Ballou de Converge qui l’a mixé donc forcément ça sonne très vénère.
Et puis sur « Polaris » après, dans l’évolution encore naturelle des choses, là c’est plutôt nos influences prog qu’on a voulu mettre plus en avant. Peut-être en vieillissant, on a voulu faire ressortir les vieux groupes à la Pink Floyd, Queen ou des choses comme ça aussi. Voilà, on ne se pose pas trop de questions.
Pierre : Je reviendrais un peu plus tard sur les concerts car on va rester dans cet esprit-là sur la composition. J’avais vu que dans la réalisation de vos clips et des univers que vous mettez en place sur les albums, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’influences cinéma et pop culture. Du coup, je voulais savoir comment vous réfléchissez aux univers que vous mettez en place autour d’un album ? et quels étaient les principales influences que vous aviez pour tout l’univers spatial et SF que vous avez développé sur le dernier album ?
LDDSM : Alors effectivement, la partie visuelle pour nous elle est aussi importante que la partie sonore, depuis toujours. Dès les premiers albums, on a toujours voulu avoir une entité graphique en cohérence avec la musique et creuser à chaque fois par album l’univers. Et là sur « Polaris » effectivement, c’était des influences plus stellaires. Par rapport aux inspirations, en effet il y avait le cinéma : « Gravity » par exemple, « Interstellar » à fond aussi, « 2001 » (L’odyssée de l’espace) forcément, les très grands classiques comme ça. Les séries télé aussi, c’est marrant parce que la série « Mars », je l’ai regardé après avoir écrit sur « Blood Planet Child » alors que ça parle exactement de ça.
En fait on s’est rendu compte qu’il y avait un réel renouveau de l’intérêt pour l’espace au moment où on était en train de composer cet album. Aussi bien comme tu disais dans la pop culture que dans l’actualité notamment avec Thomas Pesquet qui partait dans l’espace.
Pierre : Le renouveau de la conquête spatiale.
LDDSM : ça nous a vraiment inspiré, ça tombait au bon moment.
En terme de recherche de sons aussi par rapport à tout ce qui est « espace », on peut citer les films comme « Blade Runner » par exemple parce qu’il y a des synthés vraiment old school, c’est un petit peu ce qu’on a voulu refléter, un côté un peu rétro-futuriste finalement parce que c’est vrai que souvent quand on parle de son « à la Tron », c’est des vieux synthés donc c’est assez contradictoire mais c’est des sons qu’on aime et qu’on a peut-être plus assumé sur cet album. Notamment dans la partie enregistrement avec Rémi Gatliff (ndlr : désolé si l’orthographe du nom n’est pas bonne) notre (ndlr : terme non retranscrit) qui a beaucoup d’anciens synthés et qui nous a permis de trouver ces sons-là.
Pierre : Merci beaucoup. Pour revenir à la partie concerts, je vais essayer de combiner deux questions en une. Parce que je voulais à la fois évoquer la période de laquelle on sort qui était un peu compliqué. A titre perso par exemple, la dernière fois que je vous ai vu c’était à Vendenheim (ndlr : près de Strasbourg en janvier 2022). On était assis, on était masqué, dans une salle et 4-5 mois plus tard, vous êtes devant une Valley bondée au Hellfest. Donc déjà c’était savoir à la fois comment s’était passé cette période et comment on remet le pied à l’étrier pour des concerts assez dantesques comme le Hellfest ? et donc avoir votre ressenti par rapport à cette date au Hellfest.
LDDSM : Daniel : Bah écoute, la période on l’a vécu comme beaucoup de gens et comme beaucoup de musiciens, ça a été un coup dur clairement. En plus on venait de recruter Katia (à la basse) donc on était en pleine phase de composition. C’était compliqué de se voir. Au début on ne pouvait plus du tout se voir donc on a dû inventer des nouvelles manières de composer, à distance, avec Skype et ce genre d’outils là. Ce qui était un peu bizarre au début car d’habitude on faisait toujours ça en répet’. Donc là on a fait ça un peu différemment. Nico composait un peu de son côté, nous proposait des riffs, ensuite nous on venait rajouter un peu nos trucs. On a composé, je pense, quasiment toutes les voix à distance en faisant une espèce de conf call à 3 en filmant. Nico, il était devant son micro, il enregistrait des trucs, et puis on disait « ah essaye plutôt ça ». En fait, c’est lui qui faisait toutes les voix à distance.
Nico : Oui je faisais les brouillons et puis après on essayait de voir un petit peu comment ça se passait.
Pierre : Donc une grande partie de l’album composé à distance
LDDSM : Exactement et même l’enregistrement on a eu énormément de chances parce qu’il s’est fait entre les 2 confinement tout pile. Donc on est vraiment content du résultat et d’avoir pu aller enregistrer. Et puis ma foi, ça fait énormément de bien pour nous et je pense pour beaucoup de gens de pouvoir à nouveau s’exprimer sur les planches.
C’est vrai que le concert de Vendenheim, comme tu l’as évoqué, était un peu particulier. Alors déjà pour nous c’était un concert de sortie de résidence donc ça permettait un petit peu de voir comment ça allait se passer et maintenant avec Katia sur scène parce qu’on n’avait jamais testé. Ma foi est une belle différence entre Vendenheim et la Valley, une énorme différence.
Hier (sur scène) on avait un peu l’impression que rien ne s’était passé, qu’on avait rêvé cette période de 2 ans et que c’était revenu « comme avant ».
Le sentiment que tous les musiciens ont eu, c’est la frustration quoi. Surtout que nous en fait « Polaris » est sorti dans la pire période. Tout était bloqué, le Hellfest venait d’annuler l’édition 2021. On s’est dit « merde, qu’est-ce qu’on fait ? », on a hésité d’ailleurs à le sortir. On s’est dit « bon OK on a fait l’enregistrement, qu’est-ce qu’on fait, on le sort, on ne le sort pas ? » « Est-ce que c’est une bonne idée de sortir un album maintenant, sachant qu’on ne pourra pas tourner derrière ? ». Et en même temps, tu te dis oui mais la culture doit vivre. Si tu commences à tout arrêter, y compris la culture, à cause d’un virus, tu vis pourquoi après ? Donc c’était aussi aux artistes de maintenir une activité culturelle, parce que les gens ils n’avaient plus que ça quand tu es bloqué chez toi. Moi je sais que pendant le confinement, j’ai découvert plein de groupes, j’ai pu voir des films que je n’avais jamais vus et je me suis mis justement au home studio. Je ne savais pas du tout enregistrer jusque-là et j’ai tout appris pendant les quelques mois de confinement.
Donc voilà, après on s’est dit « bah écoute, ça fait partie de l’histoire de cet album », on s’en rappellera plus tard. Le 4ème album, il est sorti pendant une pandémie, y a un côté historique du truc. Moi je sais que je raconterais ça à mes enfants. Mon fils, il est assez grand, il est conscient qu’on a sorti un album pendant qu’il était bloqué à la maison. Ma fille est trop petite mais je lui expliquerais plus tard et ça fait partie de l’histoire de la culture aussi.
Pierre : C’est super bien résumé et si je peux ajouter un truc, je trouve que c’est aussi une bonne idée dans le sens où avec cet album on voyage et c’est vrai que finalement pouvoir s’évader durant cette période, c’était sympa.
Alors, on va évoquer encore un peu les concerts vus que ça a repris et on est tous contents sur ce point-là. Alors deux choses : la première c’était savoir quel est votre meilleur souvenir de concert ? et me dire ce que vous êtes venu voir ce week-end au Hellfest ?
LDDSM – Nicolas : Moi je pense que le meilleur souvenir jusqu’à maintenant c’était le Hellfest 2017 et maintenant c’est le Hellfest 2022. Non c’est vrai, je suis pas démago. On se fait toujours la réflexion, c’est vrai que la magie du Hellfest (en dehors du cadre, de l’accueil qui est fantastique), c’est le public en fait. Le cœur du Hellfest, c’est ça, c’est son public. La bienveillance de cette audience, c’est quelque chose qui n’a pas de prix. Je veux dire, en 17 ans de concert, on a vu une multitude de public, des profils très différents. Mais ici, il y a un truc à part. C’est des connaisseurs, ils viennent voir spécifiquement tout style de musique qu’ils maîtrisent. Tu en as d’autres, ils viennent juste pour la découverte, ils ne regardent même pas les affiches parfois. Mais à chaque fois, tu rentres sur scène, ils sont comme des oufs, tu leur demandes « allez, applaudissez » « taper dans les mains » et ils sont réactifs. Il y a un vrai échange, c’est toute la magie d’un concert : si le groupe donne pas, le public n’a pas donné envie de donner et inversement. Et au Hellfest, t’as l’impression que tout le monde a envie de faire kiffer l’autre. Et c’est pour ça que ça fonctionne.
Et alors c’est qui est con, c’est que moi il y avait un groupe que j’attendais c’était Turnstile et ils ont annulé.
Pierre : on est d’accord, c’est dommage.
LDDSM : Donc qu’est-ce que j’attends ? Je viens de voir Pogo Car Crash Control (interview dispo sur YouTube 😉 ) que je voulais voir et c’est cool, j’ai bien aimé.
Metallica, je les ai déjà vu tellement de fois que bon
Pierre : du coup, tu es blasé ? (rires)
LDDSM : Je vais y aller si tu veux, aller parce que comme je te disais tout à l’heure, j’ai appris la guitare avec les riffs de Metallica. Sinon My Own Private Alaska, qu’est-ce qu’on a d’autres, fais voir la prog. Il y a Igorrr que moi j’aimerais bien aller voir.
Pierre : Ah oui, Igorrr, c’est fantastique.
LDDSM : Monkey 3, Airbourne c’est toujours bonnard. Kadavar qu’on n’a jamais vu et on m’en a toujours dit du bien donc j’irais voir (ndlr : Effectivement c’était très bon !). Les Guns, on verra, Converge avec Chelsea Wolfe donc ça va être génial. Donc ça c’est peut-être le concert que j’attends le plus. Et puis hier soir, y avait Jerry Cantrell qu’on a pu voir aussi.
LDDSM Daniel : Moi, y a mon adolescent en moi qui voudrait aller voir Ill Niño demain sur la mainstage pour jumper. Et puis le petit versus « Regarde les hommes tomber » et « Hangman’s Chair », ça a l’air cool aussi, j’irais bien faire un petit tour. Sinon Headcharger tout ça. Honnêtement, cette édition, j’y étais déjà la semaine dernière, donc en fait je n’ai même pas trop regardé les groupes pour ce 2ème week-end. C’est déjà tellement le kiff de jouer, après le reste c’est bonus !
Mais oui clairement le Hellfest dans les meilleures expériences de concert, on va pas se mentir, je ne sais pas combien de personnes il y avait. 10.000 je n’en sais rien. (Nico : Non je ne pense pas, 6000 peut-être). En tout cas c’était énorme la Valley dégueulait de monde, c’était vraiment super cool. C’est toujours plaisant, comme disait Nico, cette bienveillance. Tu sais que les gens, ils seront là pour ton style de musique et ils répondent.
Pierre : Oui et il y a plein d’autres scènes, donc tu sais que s’ils sont là….
LDDSM : Oui voilà. Après sur les autres scènes c’est pas qu’ils ne sont pas là pour te voir mais dès fois tu as juste des petits hochements de têtes, quand tu essaies de faire claper les gens et tu dis que finalement ce n’était pas le moment (rires) mais là clairement, peu importe ce que tu dis, de toute façon ils sont à fond !
Pierre : Et bien merci beaucoup, je vais juste terminer en vous demandant un peu l’actu à venir. Si ça s’oriente plutôt vers un album ou bien si vous n’avez forcément eu le temps de défendre le nouvel album, ce sera plus de la tournée ? et si oui les dates à venir ? Qu’est-ce qu’il va se passer pour vous ?
LDDSM – Nicolas : Alors on a quelques dates jusqu’à octobre. On va tourner sur des one-shot, on ne va pas faire 15 jours sur la route. On est sur des plans plus séparés. On va avoir des dates jusqu’en octobre et après entre octobre et début d’année prochaine, voire décembre si on y arrive, on envisage d’enregistrer un EP acoustique. Qu’on aimerait faire un peu « home made ». On aimerait faire ça nous même, de manière assez intimiste. Parce qu’on a fait des concerts acoustiques récemment qui nous ont obligé à réécrire nos propres morceaux et on a trouvé l’exercice vraiment cool. Et avec l’arrivée de Katia qui est multi-instrumentistes, c’est vrai que ça t’ouvre d’autres perspectives.
Pierre : Elle était dans d’autres groupes d’ailleurs avant ?
LDDSM : Oui Katia, elle avait un parcours de musicienne très riche et toujours d’ailleurs, elle joue dans un projet mais si LDDSM reste son groupe principal, mais vous pouvez la retrouver sur d’autres projets notamment un projet où elle est pianiste avec son chéri qui est à la batterie, ça s’appelle (ndlr : terme non retranscrit). Dans un délire différent, une sorte de prog instrumental, juste piano et batterie.
Et sinon, on compose déjà sur le prochain album, donc on a quelques maquettes de prêtes. On espère pouvoir sortir un album fin 2023, ce serait bien. Il y aura plus de pandémies d’ici là, espérons.
Pierre : Merci beaucoup à vous. Donc pour résumé : des concerts encore jusqu’en octobre, un album normalement fin 2023…
LDDSM : ce serait bien, on l’espère.
Pierre : et qui sait un futur passage de nouveau sur la Valley dans les années à venir
LDDSM : on croise les doigts, on signe tout de suite ! (rires)
Pierre : Merci à vous, c’était super sympa d’avoir pris le temps de répondre à mes questions et pour ceux qui ne vous connaissent pas : Dernier album « Polaris » disponible un peu partout.