Relecture : Victor. Le sorcier blanc
Mieux vaut tard que jamais, parait-il… Le Metalearth ayant eu lieu en avril et toi, lecteur, ayant certainement eu la bonté d’en lire mon reportage, tu sais que j’avais également interviewé les deux têtes d’affiche présentes.
De ce fait, et avec une légère inclinaison du buste pour m’excuser du retard, je te propose de découvrir les propos d’une femme dans la place musicale depuis 1986 : Sybille, frontwoman de Witches.
MB : Comment ça va Sybille ?
Sybille : Ca va franchement j’ai été bien accueillie. L’orga est super. Et on est en Bretagne pour la première fois quand même !
MB : Première fois en Bretagne ?
Sybille : Tu te rends compte un peu ?! Le plus près était à Nantes, ce qui n’est pas la Bretagne. Ça fait longtemps que je cherchais à jouer en Bretagne, donc là je ne peux pas faire plus loin du bout du bout.
MB : Tu pourrais aller plus à l’ouest mais il n’y aurait pas les structures pour bien t’accueillir peut-être.
Sybille : Oui mais Brest c’est bien. Quand j’ai vu qu’il y avait ce festival qui était organisé l’an dernier je me suis dit « je vais postuler ». Ça serait trop bien de jouer en Bretagne. Je trouve le concept sympa donc voilà on est là pour la deuxième édition.
MB : Vous êtes là en tant que tête d’affiche. Witches est un précurseur du Thrash Death en France. Historiquement, depuis 1986, le monde a changé. Vous avez toujours la patate ? Il y a toujours l’ambiance comme à l’époque ?
Sybille : Alors nous on a plus la patate forcément puisqu’on a accélérer le tempo. On ne s’est pas ramolli on va dire. Humainement faut toujours avoir la patate pour continuer autant d’années et après tout ce qui nous entoure, oui, il y a une patate de fou. Quand tu vois le nombre de groupes et de concerts, de festivals qui s’organisent partout en France par rapport à l’époque, effectivement c’est le jour la nuit. On joue beaucoup plus. Maintenant ce qu’il faudrait c’est que les gens se déplacent plus à certains endroits en fait. Qu’ils quittent leur canapé / télé pour venir plus au concert et que les jeunes écoutent la musique live plutôt que le MP3, quoi.
MB : Ça a beaucoup changé depuis le début aussi. Toi aussi, dans ta manière de bosser par les influences peut-être. Tu as donné beaucoup d’influence mais tu en as peut-être pris aussi ? Ta façon de voir la composition, le chant, la musique en général a changé depuis ce temps là ?
Sybille : En fait tu travailles différemment. Avant on composait en live, en répétition on va dire. Et quand on s’enregistrait, c’était sur des magnétos cassettes tu vois. Maintenant quand tu composes, tu l’enregistres sur ordi et tu peux faire plein de tests différents de structure de morceaux, etc. Il faut s’adapter à toutes les technologies qui font que que tu peux faire mieux. Nous on enregistrait nos démos sur quatre pistes cassettes.
Tu rentres en studio six pistes. Maintenant tu es illimité en nombre de pistes sur ton ordinateur, tu peux tout enregistrer chez toi et faire mixer et masteriser par un ingé son en fait. Quand tu le fais toi-même, si t’es pas bon ça ne rendra pas un truc bien.
MB: De façon de travailler, depuis ce record et d’envoyer la patate dans le garage. Maintenant tu t’es entouré des personnes qui savent mixer et masteriser et te montrer le résultat pour que toi, peut-être, tu gardes cette fibre artistique plutôt que d’apprendre tout ce qu’il se fait à côté techniquement et qui finalement n’est pas forcément ce que tu aimes?
Sybille: C’est sûr que chacun son métier et que tu fais pas ingé son comme ça. Après, au niveau de la compo il y a forcément de la niaque quand tu composes. T’appuies sur record avec ton magnéto c’est pas la même chose que si c’est un Ingé son qui t’enregistre les démos de l’époque. Parce qu’en fait ce sont les démos de l’époque qui ont été enregistrées en 4 pistes cassette. Les gens veulent plus de perfection aujourd’hui. Quand tu écoutes des vieux Kreator au casque et que tu as les pêches qui ne sont pas ensembles d’un côté de l’autre, tu te dis « mais comment on a pu accepter ce genre de choses? » mais ça passait bien à l’époque. Maintenant tu fais un truc comme ça, ce n’est pas la peine. Il ne faut pas le faire car tu te fais démonter quoi ! Il faut vraiment que tout soit parfait maintenant. Il faut s’adapter à cette exigence, à l’évolution. C’est comme reconnaître qu’il faut être sur les plates-formes numériques et pas que vendre des CD. Le mode de consommation est différent.
MB: Aujourd’hui la tendance est de parler de « vues ».
Sybille: Oui! Les vues, ça paraît moins concret. De toute façon il faut faire avec. Tu ne peux pas rester dans ton coin en disant « le CD, le vinyl, c’était mieux ». Quand le CD est sorti, on a trouvé que c’était de la merde au niveau du son. Il faut s’adapter. Il faut être sur les plates-formes. J’y ai même remis le premier album. Il faut que ce soit disponible car il faut de la visibilité et c’est vrai que quelqu’un qui a un abonnement Spotify, Deezer ou YouTube il faut qu’il te trouve et qu’il puisse écouter. Si ton mode de consommation c’est d’écouter sur la télé, il faut que ce soit possible. Si tu veux écouter en faisant ta marche ou ton footing, tu prends pas ton lecteur CD dans la poche en fait. Donc il faut s’adapter. C’est comme accepter d’être piraté etc.
MB: Et c’est peut-être aussi l’opportunité d’avoir un groupe de fans taïwanais par exemple. C’est ça l’avantage c’est de mondialisation
Sybille: Voilà ! Exactement ! Tu peux toucher des gens que tu n’aurais pas touchés sans ces plate-formes. Moi, mon métier c’est de faire les concerts. C’est le plus important. D’avoir des vues sur les plates-formes, on s’y fait mais c’est pas le principal. On fait des albums parce qu’il faut bien un support. Mais sinon on ne ferait peut-être même pas d’album. Tu sors un titre comme ça [c’est relativement simple et rapide; ndr], mais presser un album, il faut une certaine perfection. Ça ne se fait pas comme ça. Il faut une pochette, il faut une musique enregistrée nickel. Un concert c’est vivant. Tu partages ta musique avec les gens. Du coup c’est dommage quand tu vois que les jeunes ne vont pas trop aux concerts. Mais bon voilà c’est comme ça, il faut s’adapter.
MB: Depuis le temps que tu pratiques cette passion, les femmes en Frontwomen dans les groupes, qui plus est dans le guttural, sont un peu plus nombreuses aujourd’hui. Mais c’est quelque chose aussi qui peut-être a changé? Le fait de ne pas se faire regarder « bizarrement ». Peut-être à l’époque décriée trop facilement parce que tu es une femme à une époque où c’était peut-être moins facile?
Sybille: Et comme je dis toujours je n’ai pas ressenti ce côté moins facile car j’ai monté mon propre groupe et du coup je n’ai pas eu besoin d’intégrer un groupe de mecs. Donc je n’ai pas eu ce problème que certaines personnes ont eu. J’ai toujours fait de la musique parce que je voulais le faire et comme je voulais le faire, même si on pouvait me dire entre guillemets « c’est pas mal pour un truc de fille » ou « à poil » quand tu es sur scène. Ça ne m’a jamais touché plus que ça dans le sens où je préfère continuer. Tu fais ce que t’as envie de faire. C’est pas parce que des gens disent « bof pour les filles »… Après c’est cool qu’il y ait plus de meufs qui fassent du chant comme ça. Je ne sais pas s’ils me regardaient bizarrement, même si forcément ça a étonné que ce soit une meuf qui chante, souvent m’a demandé « mais c’est toi qui chante » ?
MB: Est-ce que c’est plus de travail qu’un homme ?
Sybille: Bah pourquoi? Il n’y a pas plus de travail. Moi j’ai chanté comme ça parce que c’était un chant que j’aimais bien. Ce n’est pas parce que tu es une fille qui a plus de travail.
MB: C’est quand on lit des interviews d’autres groupes comme Arch Enemy par exemple où la chanteuse annonce s’échauffer autant de temps avant le concert qu’il y a de temps de concert. Donc elle précisait que c’était un rythme assez strict pour arriver à sortir cette voix. Donc je me posais cette question. Si c’est naturel c’est mieux!
Sybille: Il faut une hygiène de vie c’est certain. Mais après tu pourrais très bien chanter comme ça et avoir une vie sex drugs n’ rock ‘n’ roll par exemple. Ce n’est pas parce que tu es une fille qu’il faut que tu bosses plus en fait. Il faut avoir envie de le faire pour bien le faire. Avant il n’y avait pas trop de filles qui écoutaient du rock, du metal encore moins, du metal extrême encore moins. Il y avait encore moins de filles qui voulait faire de la musique (soit chanter, soit musicienne) Donc du coup forcément en proportion un hardeux de l’époque n’avait pas de copine qui écoutait ce style de musique. Après, quand il y a eu plus de filles à écouter ce style de musique, il y en avait forcément plus au concert et forcément proportionnellement tu as plus de meufs qui se disent « bah tiens j’ai envie de faire de la zik aussi ». Il n’y a pas de limite parce que t’es une fille en fait. Je trouve ça con de dire qu’il faut plus de filles. Si la fille ne veut pas, elle ne veut pas. Par contre, si elle veut, faut vraiment qu’elle le fasse. Il faut pas qu’elle te dise non je suis une fille c’est pas la peine. C’est aussi con de dire que la fille elle ne peut pas faire de soudure parce que c’est une fille. Moi par exemple je ne serais pas déménageuse, je n’ai pas la carrure pour ça. Mais si il y en a qui veulent, il faut qu’elles le fassent. Maintenant par contre c’est vrai que c’est sympa de voir des meufs qui chantent ou qui jouent d’un instrument parce qu’ avant il y en avait pas du tout. Il faut être réaliste que déjà dans le hard rock tu avais des chanteuses mélodiques, mais dans l’extrême à l’époque il n’y avait que Sabrina [Classen ; ndr] des Holly Moses qui chantait comme ça. D’en voir de plus en plus c’est sympa. Par contre, ce ne sont souvent que des chanteuses. Elles ne sont jamais musiciennes en même temps du chant ou en tout cas c’est très rare. Ça fait plaisir de voir plus de meuf. Je ne trouve pas qu’il faille la parité par contre. Ça ne sert à rien de mettre une fille dans un groupe juste par parité. Il faut qu’il y ait de l’osmose entre tous. Pour un festival, pas de parité: C’est le groupe de filles à chier, y’a pas de raison ! Il faut prendre des groupes qui sont bons en fait.
MB : Quand on a un concept sur un festival, comme le Metalearth « enragé et engagé » est un concept que tu ne connaissais peut-être pas de mélanger le message avec la musique metal ? J’imagine que c’est un concept qui te parle?
Sybille : Ah bah ouais! Moi, quand j’ai vu qu’il y avait ce festival qui était organisé j’ai trouvé son approche superbe. C’est ultra légitime de faire ce genre de concept parce que l’idée est belle. Après ils ne sont pas les seuls. La semaine dernière on a joué sur Pont-sur-Yonne et eux ils ont toujours une association, en rapport avec les animaux. Je connaissais ce type de concept et de thème Et donc quand j’ai contacté Metalearth, je leur ai dit que le thème était superbe. Je trouve que ça donne non pas une crédibilité mais une visibilité sur plusieurs choses en même temps qui sont sympas. On fait de la musique un peu violente mais on vit tous dans le même monde et donc la protection des animaux est importante. C’est notre univers ! Dans mes paroles je n’ai pas ce genre de discours, je n’ai pas de thème comme ça, mais je respecte.
MB : Il y a également la sensibilité personnelle qui n’entre pas en compte dans la composition nécessairement. Et donc ce soir tu termines la soirée avec Witches. Vous avez un set préparé ? Il y a eu un album en 2020, mauvaise année comme on le sait tous. Il y a donc la rage de monter sur scène et de présenter cet album?
Sybille : C’est ça. On continue à présenter l’album [The Fates ; ndr] qu’on a effectivement sorti juste avant les années un peu noires de la scène. On va continuer à le présenter tant qu’on n’a pas d’autre album. Après on a toujours un set où on retrouve des morceaux des premiers albums. C’est assez mixé sur les années de Witches. Il y a des gens qui nous connaissent « récemment » et d’autres qui nous connaissent depuis longtemps, depuis nos vieux morceaux. On ne présente pas que le dernier album. On a fait des morceaux de The Hunt, de 30 Years Thrashing, avec un panel de la discographie pour pouvoir montrer aux gens un peu toute l’histoire de Witches. On a d’ailleurs refait 30 Years Thrashing.
MB : Je te remercie Sybille. Tu as ton processus de décontraction avant le concert. Mais je crois savoir que tu aimes aussi rester regarder les autres artistes avant de jouer?
Sybille : Oui c’est vrai que j’aime bien. Après je n’ai pas forcément le temps. Car là, le centre de merch est en dehors de la salle donc j’ai pas forcément le temps de voir les groupes. Mais j’essaye de les voir car c’est toujours intéressant. C’est toujours différent de les voir sur scène que sur YouTube. J’essaye au moins de me faire quelques morceaux de chaque groupe pour me faire une idée et les découvrir. Le projet est toujours différent sur scène que sur une vidéo. Les vidéos sont toujours plus froides. Tu n’as pas l’ambiance du concert. Et un album, c’est différent car c’est plus carré, tu n’as pas le visuel. Par exemple, FT-17 ont un concept ultra différent. C’est toujours intéressant de voir les shows des autres groupes. Même si on ne peut pas tout regarder parce que tu as ton temps de préparation, parce que je fais vendeuse en plus! (rires). Le plus sympa reste le relationnel avec les gens, de discuter.
MB : Je te remercie. Bonnes ventes ! Et bon concert ensuite. (rires)
Sybille : Merci à toi.