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Défaites de la Musique

Défaites de la Musique.


Dies irae. Comme un parfum de révolte et de colère. Non pas consécutif au palmarès des Victoires de la Musique Commerciale, mais de l’époque qui amène à des choix aberrants. Alors que je regarde ma discothèque avec dépit, parce que certains groupes ne viendront plus la remplir, avec des albums fleurant bon la passion, la grâce et le feu.
L’annonce de la fin de Sainte Ombre, encore un excellent groupe qui tire sa révérence avec amertume rend tout cela encore un peu plus froid et aseptisé. S’il fallait faire une liste des groupes trop tôt disparus, elle serait un tonneau des Danaïdes. Tous ces éléments, mis bout à bout, font déborder le vase.

A qui jeter la pierre ? Aux « grands » médias, incapables de consacrer des plages pour les vrais créateurs actuels, préférant s’appuyer sur des valeurs « sûres ». Il suffit de regarder le palmarès des différentes années pour se rendre compte que le rock en général est le mal-aimé. En France, c’est comme si le rock s’était éteint avec Noir Désir, Téléphone, Trust, ou en forçant encore plus le trait, Johnny Halliday. En nous vendant La Femme comme étant une bouffée d’air frais. Et je ne parle même pas du metal, grand absent des ondes. Il n’y a guère que RTL2 pour en passer un petit peu chez Zegut, et encore à des heures plus confidentielles.
Mention particulière au Petit Journal / Quotidien, pour qui montrer le Hellfest se résume à montrer le cul de festivaliers éméchés ou à recenser les hectolitres de bières ingurgitées.

Aux labels et maisons de disques, incapables de mettre les moyens nécessaires pour que leurs poulains percent. Certaines pratiques honteuses, comme faire payer les groupes de première partie par le jeu de places à vendre, de la promo locale à assurer,…, de plus ou moins bonnes excuses pour en débourser le moins possible.Le microcosme du metal est particulièrement touché par ces pratiques honteuses de wild cards.
Et il est tellement facile de faire des chansons avec un anatole, les fameux accords magiques qui vont toujours ensemble, un auto-tune capable de faire percer Jean-Michel Voidechiotte au détriment des passionnés se cassant le cul à écrire, composer et jouer de la vraie musique.
Parce qu’on a oublié que la seule vocation d’une maison de disques, c’est de fabriquer et vendre des disques, pas de faire de la musique.

Aux plate-formes de diffusion, où la rétribution indécente, trois diffusions ne générant que 1 cent de royalties. Drôle de renversement des valeurs, où celui qui devrait retirer le fruit de son travail n’en a que les pépins, au propre comme au figuré.
Mention spéciale pour Apple, avec les DRM rendant la musique propriété de la plateforme. La pomme, en plus de nous prendre à raison pour des bonnes poires, nous prend aussi pour des truffes.

A la politique culturelle nationale, qui ne joue pas son rôle. Lorsque les Zénith furent créés, c’était pour permettre au rock de sortir de l’underground et d’avoir de vraies scènes, de vrais locaux. La présence de spectacles issus de la grosse industrie du spectacle, comme Holiday On Ice bloque des créneaux qui seraient bien utiles pour des groupes ou des soirées thématiques.

Mention spéciale pour la SACEM, qui vampirise la création musicale, en prélevant une dîme indécente. Le trésor de guerre de la SACEM permettrait au bas mot de faire vivre 50.000 artistes avec un revenu équivalent au SMIC. De quoi éviter que les groupes en soient réduits à faire la manche virtuellement pour mener à bien leurs projets.

http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-rue89-culture/20150408.RUE8597/le-droit-d-auteur-ne-fait-vivre-qu-une-infime-minorite-d-artistes.html

A certains propriétaires de salles, adeptes de l’uberisation, ou digne descendants de Thénardier. En échange d’un pack de bière et de sandwiches, on autorise à jouer pas trop fort … et si on faisait l’inverse et qu’on demandait à un propriétaire réticent de venir tenir la buvette d’un festoche en apportant tout le matériel et que sa seule rétribution soit de pouvoir écouter gratos le concert ?

A nous, auditeurs et amateurs de musique. A celui qui achètera son pass 3 jours au Hellfest et dépensera une fortune en goodies divers et variés, jusqu’au plus caricatural, mais trouvera que mettre 5 € dans un concert local, ou d’acheter le CD du groupe 10€, c’est trop cher. A celui qui ira télécharger l’album, qui prétendra ensuite l’acheter s’il aime, mais qu’il aura entre temps téléchargé 15, 20, 50 autres albums et répétera à qui veut l’entendre le même mantra pour justifier les tera-octets remplis.
Parce que la musique est malheureusement devenue au fil du temps un produit de consommation courante, qu’on en a oublié le côté artistique, au sens le plus noble du terme.

Le tableau peut sembler noir, le trait forcé à la limite de la caricature. Nous sommes tous acteurs de ce système, et nous avons oublié que nous pouvons le changer, chacun à notre échelle. En allant aux concerts dans des salles réglo, en achetant les disques, en contribuant aux cagnottes des groupes qu’on aime. En faisant profiter de nos compétences diverses et variées. En soutenant les radios locales associatives, qui font vivre tout ce tissu musical en donnant une visibilité aux groupes. En se soutenant mutuellement.