Entrevue de Fanch président de l’association MALA SEMILLA en vue du concert du 4 Décembre 2015 au Manège à Lorient. Une entrevue sans langue de bois avec un garçon véritablement humain.
Rage Breizh : Bonjour Fanch. Peux-tu te présenter ?
Bonjour, je m’appelle Fanch. Je suis de la région de Lorient et je suis le président de l’association MALA SEMILLA qui existe depuis plus de 8 ans … En avril prochain ça sera la 8éme édition de Unissons Nos Cultures.
Rage Breizh : Pourquoi la création de cette association ?
L’idée était d’aider les scènes dites de « cultures alternatives » à avoir des visibilités, et pas seulement, que leur message aussi ait une visibilité… Beaucoup de gens partage les mêmes idées, le but c’était de faire une journée (Unissons nos cultures en Avril) autour de nos valeurs avec des prestations artistiques, culturelles, sportives (concerts, graffitis, expositions, projections, démonstrations sportives, etc.)
Rage Breizh : Au départ vous êtes plus dans une démarche idéologique qu’artistique ?
Oui c’est un festival qui est militant parce qu’il est libertaire donc fondamentalement Antifasciste, Antisexiste, Anti homophobe. On est pro-environnementalistes et le capitalisme nous fait vomir… A l’origine, c’est parti d’un groupe de musique qui s’appelle les Mauvaises Graines (Lorient) que l’on classe dans l’Arnacho Punk. Ce qui veut tout dire. La scène punk/hardcore se veut très militante. De nos nombreux contacts que l’on a construits au fil du temps et des rencontres, on a d’abord voulu organiser des concerts avec des groupes que l’on aimait, avec qui on voulait jouer, faire de superbes rencontres humaines. Je pense à des gens comme Fautes de frappes, Heyoka et bien d’autres… Des supers moments de folie ! On associe souvent le festival Unissons nos cultures à un festival Punk, même si en regardant un peu on voit que c’est une scène ouverte qui se rassemble surtout sur son idéologie… On est resté très fidèles à cette logique, on ne prend pas de groupes qui ne croient pas à nos idées et ne partagent pas nos convictions ! La politique, c’est tous les jours, c’est quotidien. On est là pour partager nos idées et faire réagir, voire sensibiliser. Comment de nos jours on peut être assez ignorant pour croire que c’est à cause des gens qui sont dans la misère que le système social s’écroule ? Aujourd’hui c’est l’état d’urgence et on en profite pour nous balancer de la répression dans tous les sens. On colle des menottes aux gens, mais ils arrivent quand même à applaudir des deux mains !!! C’est ridicule. Ils mettent tous leur drapeau bleu blanc rouge sur leur profil Facebook ! À quelle fin ? Ça fait peur tout ce conditionnement, ça m’interroge quand même ….
Rage Breizh : Tu me disais tout à l’heure que c’était la 8éme édition de Unissons nos cultures ? Toujours à Lorient ? En Avril ?
Oui toujours à Lorient et en Avril. On a cet espace de la rue du port de pêche, les spots graffitis de Lorient, de grosses façades, un pôle graffiti important. On est fiers de dire que c’est devenu le premier rassemblement graffiti de Bretagne ! La résistance ça se fait par des rencontres, des échanges, de la communication. C’est le principe de base de l’art… Avoir un espace où il y a de la couleur, de la vie. Si ça peut donner aux gens un peu le sourire, d’oublier un peu le gris quotidien c’est déjà une superbe réussite… Le gris le matin, le gris le soir, on allume la télé c’est encore gris… Le gris est la couleur du conditionnement… De plus, on est un festival très familial : ça se passe un dimanche (en général la veille d’un lundi férié). Montrer à la population locale, pouvoir écouter de la musique, assister à des débats, voir des graffeurs, voir des expositions… Et pour répondre à ta question, on va continuer à promouvoir la scène punk avec le concert du soir au Galion et à ceux qui nous le reprochent je répondrais que c’est une scène qui est de plus en plus ignorée par les grandes salles, c’est une scène précaire, plus vraiment de grosses têtes d’affiche, les promoteurs ne s’intéressent pas à cette scène… On le fait en fonction de nos moyens, c’est un festival qui a passé le cap des 2500 personnes en public ! Et surtout le cap des 150 artistes intervenants. Je ne connais pas beaucoup de festivals où il y a autant d’artistes très différents qui apportent un coté très ludique ! Les gens comprennent le message « la rue est à nous ! ». Ça donne une superbe ambiance, une approche humaine, apporte peut être des lendemains plus sympas, moins gris :).
Rage Breizh : A côté de ça vous vous lancez pour la deuxième fois sur une organisation un peu différente, plus axée concerts, au Manège avec de plus « grosses » têtes d’affiche ?
C’est un projet qui est dans la logique de MALA SEMILLA! Notre association ne se donne pas de limites dans les territoires d’interventions. MALA SEMILLA c’est aujourd’hui :
- – Le festival Unissons nos cultures
- – Un atelier de percussion sur la commune d’Inguiniel
- – Le collectif graffiti Diaspora, qui fonctionne à l’échelle départementale, nationale et on espère bientôt à l’internationale avec des nouvelles rencontres.
La suite logique de tout cela c’est que l’on fasse un peu comme les grands : une belle salle, un gros concert. Dans l’association au vu de nos expériences respectives, le moment était venu pour nous d’organiser ou contribuer à l’organisation de concerts. Donc du savoir-faire, des expériences, des envies surtout. Faut aimer ça ! … Une structure comme la M.A.P.L a vu notre évolution… La M.A.P.L s’est rendu compte qu’il y avait des lacunes sur des organisations plus « alternatives ». Et on a été choisis, au vu la pérennité de notre festival et de notre sérieux. Ils nous ont fait confiance. Une relation humaine s’est installée doucement. On se doit d’être respectueux et toujours à l’écoute. Depuis que l’on existe on a programmé plus de 35 groupes : c’est pas mal pour des bénévoles ! C’est un boulot de dingue que l’on fait. Au détriment parfois de notre vie et nos familles, de nos réalités. On est des gens comme les autres, on prend le temps de faire les choses bien car ça nous tient à cœur et puis ça nous donne le sourire ! Donc le Manège c’était une évolution ! Jusqu’où on ira ? On ne le sait pas ! La disponibilité des uns des autres, la famille, le travail, la fatigue, la motivation … C’est très précaire comme fonctionnement. Cela tient à une très bonne relation humaine entre les gens, on ne sait pas si demain on sera tous encore à fond dedans et comment on va évoluer ! Mais on y va au taquet pour l’instant … Après c’est toujours pareil, suite au malheureux attentant du 13 novembre, la réalité est là. Maintenant on nous soumet pour la date du 4 décembre au Manège, des nouvelles normes draconiennes de sécurité : maitre-chien sur les parkings, renforcement de la sécurité, etc. On est très fragiles dans nos organisations : des changements aussi importants ont des conséquences financières qui ne sont pas anodines pour nous, voir qui peuvent nous stopper dans nos projets. A travers cela, ce qu’ils veulent c’est tuer toutes les petites associations qui se bougent le cul, ce n’est pas possible à Lorient… Faut qu’ils arrêtent ou alors leurs services secrets ça vaut rien ! Ils sont capables de dégommer un mouchoir à travers une fenêtre en Syrie et ils ne savent pas quand des fous furieux préparent des attentats… Enfin ce qui me dérange, c’est que les gens viennent pour un concert mais ne sont pas si libres de leurs mouvements ! On veut garder nos idées ! Si on cède à chaque fois on est mal barrés ! Continuer à sortir avec des pancartes, on n’a pas peur ! Faut continuer ! Les intérêts économiques sont plus impliqués que l’on ne croit dans le bordel actuel ! Le pouvoir au peuple ! La démocratie, pour moi c’est un mot vide de sens. Si les précaires ont 1000 euros et les débutés 5000 euros ce n’est pas pour rien : c’est pour créer la différence sociale… et ce sont eux qui décident des montants ! Faut arrêter : c’est jamais les concernés qui décident de leur sort !
Rage Breizh : ce qui semble évident c’est que les idées et les convictions de l’association sont toujours présentes quelques soient les organisations…
On prône l’ouverture. On a un message international ! La promotion de l’art pour tous, l’art populaire : le punk-rock, le graff, le ska, le reggae, le métal, le théâtre, le cinéma indépendant, les fanzines, il y en a pleins, pleins ! Tout ce qui se bouge, même si c’est dur. Tout ce qui promeut notre liberté. On est porteur de cette ouverture, de respect ! Et en plus avec des grands sourires.
Rage Breizh : ça veut dire quoi MALA SEMILLA ?
En espagnol ça veut dire « mauvaise graine ». Pour l’histoire, on avait accueilli deux réfugiés cubains et on les a aidés dans leur intégration sociale. On les avait intégrés dans le collectif de percussions : c’était excellent ! Ils avaient un jeu totalement différent de nos percussions africaines. Cela apportait une touche complètement différente. C’était un super partage : « Unissons nos cultures » ! On en est venu à parler musique et quand je leur ai parlé des Mauvaises graines ils m’ont dit MALA SEMILLA. J’ai trouvé ça énorme et mortel comme nom ! Et j’ai proposé aux copains de l’association. Ça a été validé !
Rage Breizh : Tu peux nous présenter les gens de l’association ?
Alors tu as : Sonia ma femme, Jess chanteuse des Mauvaises graines, Mo son compagnon. C’est le bureau. Après il y a du monde. Une bonne quinzaine de personnes qui gravitent comme les gens de Mauvaises graines, KYST pour un coup de patte (Adélie, Laurent, Pierrot…), le collectif de graffitis, puis les potes : Céline, Anne, Maël, Gurvan, Tagada Steven, Jc …. Il y en a encore plein et je m’excuse d’en oublier !
Rage Breizh : L’actualité de MALA SEMILLA :
L’organisation du concert le 4 Décembre 2015 au Manège de Lorient avec Opium du peuple, Alea jacta est, Mauvaises graines : 10 balles en réservation et 12 sur place. Il y aura aussi un stand de crêpes ! On a surtout envie de lutter contre la morosité ambiante…
PROPOS RECUEILLI LE 27 NOVEMBRE 2015