Nous avons eu la chance d’interviewer Damny de La Phaze suite à la sortie de leur EP et avant la sortie de leur album en fin d’année.
Mad Breizh : Merci Damny de prendre le temps de répondre à nos questions. A titre personnel, j’ai écouté La Phaze, principalement à l’époque de « Fin de Cycle » et de « Miracle »
Afin de préparer cette entrevue, je me suis remis à jour sur votre parcours.
Pour commencer, vous aviez une pause à partir de 2013 ?
Damny : On a fait une pause en 2012
MB : Et qu’est-ce qui vous a donné envie de reprendre ?
Damny : L’argent ! (Rires) Non je plaisante, en fait la scène me démangeait honnêtement. Et surtout je m’étais remis à écrire un peu et je m’étais dit que j’avais encore des trucs à dire (ce qui n’était plus trop le cas à l’époque). Et donc j’ai recontacté Arnaud en 2017. On a lavé notre linge de l’époque.
On a réessayé de travailler en 2018 et puis ça s’est enchaîné, on a retrouvé les mêmes automatismes, la même excitation, tout s’est enchaîné.
Ensuite, on a recontacté tous les partenaires de l’époque, tourneurs, managers… et tout le monde s’est vu emballé par l’histoire et on a remonté une équipe avec de nouvelles têtes au niveau des techniciens. Histoire de rafraîchir un peu le truc, d’autant que certains sont partis sur d’autres projets.
On a fait une série de dates en été 2018, c’était une tournée de chauffe pour se remettre sur les rails. Malheureusement, j’ai eu un accident de santé sur scène et ça nous a immobilisé quasiment 1 an.
Pendant cette année, après m’être remis à peu près sur pied, on a fait l’album durant 2019, tout a été finalisé en septembre dernier. Le temps de trouver un label pour nous produire, le timing était bon et tout était bien lancé jusqu’à l’arrivée du Covid-19. Les dates de cet été sont toutes reportées au moins à la rentrée prochaine.
MB : Il y a une certaine appréhension de retrouver le public ?
Damny : Il y avait forcément une certaine appréhension.
7 ans c’est long, le public change. Certains n’ont pas suivi. Il faut que les gens soient au courant que l’on a repris, c’est tout un petit système à remettre en route.
C’était super jusqu’à mon souci sur scène, les dates étaient super cools, super excitant de revenir sur scène. Ca nous a coupé en plein vol. Mais on est de retour !
MB : des tuiles niveau scène dernièrement
Damny : oui mais je le prends avec philosophie, je me dis que ce n’était pas le bon moment. Mais on a quand même fait une dizaine de concerts en été 2018.
Donc oui il y a de l’appréhension mais aussi de l’excitation car il y a le challenge de retrouver les gens et de trouver un nouveau public de gens qui n’ont jamais vu La Phaze. C’est bien, c’est une façon de se ré-inventer.
MB : Par rapport à ça, vous allez revenir sur scène avec des petits jeunes qui ne vont pas forcément vous connaître. Pour rebondir sur votre morceau « avoir 20 ans », comment tu décrirais la phaze pour tes petits jeunes de 20 ans qui ne vous connaissent pas ?
Damny : C’est une bonne question. Dans le morceau j’ai fait l’inverse, je me suis mis dans la peau d’un jeune de 20 ans, si j’avais 20 ans aujourd’hui.
Je pense que beaucoup de jeunes vont trouver ça excitant. Le mélange que l’on propose.
Un jour, on m’a dit : « vous êtes les tenants d’une scène qui n’existe pas en France »
C’est un peu vrai, entre le moment où on s’est arrêté et maintenant, personne n’a pris le relais.
On est assimilé à la scène alternative rock mais on n’est pas « seulement » punk ou métal ou autres. Il n’y a pas de scène Drum n Bass en France contrairement à l’Angleterre.
J’imagine quelqu’un qui nous jamais vu et qui découvre le truc, s’il est sensible à des choses radicales, positives, je pense qu’il a son compte. On est au croisement de pleins de styles musicaux.
Ce mélange de style a pu nous porter préjudice car nous ne sommes pas affiliés à une scène mais c’est aussi un atout car les gens aujourd’hui écoutent plein de trucs.
Quand on a démarré c’était clivant, mais maintenant les gens écoutent des choses très différentes, font des playlists sur Spotify ou autres et tant mieux. Les jeunes de 20 piges peuvent y trouver leur compte : on est électro, on est punk rock, il y a du texte.
MB : Vous évoluez dans un style musical regroupant beaucoup d’influences, et j’imagine que vous écoutez pleins de choses différentes. Quels sont les derniers groupes sur lesquels vous avez accroché récemment ?
Damny : On est tous curieux de nature, et on a une nouvelle recrue Louis (Speaker Louis) qui est bien plus jeune que nous.
A la base c’est un fan qui nous avait contacté quand le groupe s’est arrêté. Pour en gros témoigner de son intérêt pour le groupe et pour nous remercier de notre carrière.
Il n’avait jamais eu l’occase de nous voir en concert. Mais je l’ai rencontré, on a sympathisé et quand on a remonté le groupe, je l’ai proposé à Arnaud en lui expliquant ce que ça serait un super choix et c’est quelqu’un de super bon, polyvalent. Il écoute beaucoup de choses nouvelles et nous fait découvrir pleins de choses. A titre perso, un groupe français que j’aime bien qui s’appelle Imparfait. Un groupe un peu « fusion ».
MB : Quel est le rôle de Louis au sein du groupe ?
Damny : En fait on peut l’assimiler au DJ mais il joue aussi de la basse, il est producteur de musique, sur l’album il a fait des arrangements. Il apporte sa fraîcheur, il amène sa vision du groupe en 2020.
MB : L’album sort en fin d’année ?
Damny : oui il sort en octobre
MB: Il va ressembler à quoi ?
Damny : C’est un disque particulier car c’est à un moment charnière pour moi. Je dis ça car écrivant les textes, je représente la parole de l’ensemble du groupe.
L’album est vraiment positif, ça va de l’avant, les morceaux sont très énergiques, c’est très « retour aux sources » par rapport à ce qu’on a pu faire au début de la carrière du groupe. Mais avec la modernité, car c’était le challenge.
A titre personnel par exemple, j’ai été déçu par un concert (il y a 3-4 ans) d’Asian Dub, un groupe avec lequel on a beaucoup partagé la scène, le groupe est resté avec des sons 90’s assez datés.
Il fallait être pertinent si on revenait. Avec La Phaze, on utilise des machines, des samples, la technologie évolue beaucoup, notre musique doit évoluer avec ça. Si t’arrives avec un son vraiment daté, ce n’est pas bon du tout.
C’est un album moderne, combatif au niveau des textes, il est assez résilient. C’est-à-dire, tu en prends dans la gueule, et à un moment donné tu te relèves, tu passes au-dessus de ça et tu vas vers la vie.
On a travaillé dur dessus, et on a été très sélectif, nos morceaux sont cohérents afin de créer un album consistant. Il s’appellera « Visible(s) »
MB : j’imagine qu’il y a une signification derrière ?
Damny : Il y a une double lecture
A titre personnel, c’est le groupe qui revient, donc on redevient visibles.
Sur la société en générale : le disque est empreint de tout ce que l’on a vécu récemment. Notamment avec les gilets jaunes. Ça met en valeur des gens que l’on ne voit jamais au niveau médiatique. On les voit jamais car ils sont « moches » mais ce n’est pas péjoratif (je m’inclus dedans), c’est dans le sens qu’ils ne sont pas standardisés, ils sont pas beaux à voir, il y a des corps de métiers que l’on ne veut pas voir, pas montrer, qui ne sont pas beaux à voir.
On ne veut pas montrer la pénibilité du travail, la pénibilité de leurs vies, on ne veut pas la montrer sauf pour la caricaturer. Avec ce mouvement, ils redeviennent visibles et ça me parle, je viens d’un milieu ouvrier, c’est dans mon ADN. Et Visible(s) c’est ça aussi : c’est tout un pan de la société, qui fait vivre la société, qui a bien plus d’importance que beaucoup qui s’agitent en TV. Parce qu’ils ont un vrai rôle dans la société, ils font preuve d’entraide, de soutien aux autres, d’empathie. En ce moment, on parle des infirmier(e)s, qui se faisaient taper dessus il n’y a pas si longtemps et que personne n’a soutenu quand ils se plaignaient de conditions de travail catastrophiques. J’ai fréquenté les hôpitaux depuis 2 ans, donc je sais de quoi je parle.
L’album c’est le message : mettre en lumière les gens qui ne sont pas visibles et également tous les gens dans le milieu associatif qui nous ont fait jouer, qui nous ont fait connaître, sans qui on n’existerait pas. C’est ma façon de leur rendre hommage.
MB : Pleins de significations derrière ce titre.
Damny : Il y a pleins de significations mais c’est vraiment celle-là la plus importante.
D’autant plus qu’en face il y a une bourgeoisie, je ne critique pas la bourgeoisie c’est pas ça, mais il y a une bourgeoisie qui refuse de considérer ces gens, qui insulte l’intelligence de cette population. On l’a vu lors de cette crise sanitaire et c’est ça qui est dramatique. La maison brûle mais les mecs continuent de se disputer le bout de gras autour d’un cigare et d’une mallette de billets.
Alors que ça craint vraiment, et que le capitalisme nous emmène dans ce que l’on vit là, même si je suis de nature optimiste, le Covid-19 n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend.
Moi je m’adresse aux bourgeois, aux gens qui ont des places dans la société, c’est eux qui devraient se poser la question : « Est-ce que ce néo-libéralisme, ce capitalisme poussé à l’excès n’est pas en train de nous nuire à nous aussi ?». Mais il ne se pose pas la question, ils sont aveugles. Macron, qui a mon âge et qui est de ma génération, il est aveugle.
A un moment donné tu peux reconnaître tes erreurs, tu peux juste dire « on a merdé », ça nous est tous arrivé. On peut se dire qu’on a merdé, qu’on s’est trompé, qu’on a une mauvaise direction. Mais non, les mecs continuent en fait, c’est ça qui est assez dramatique.
MB : Donc l’implication dans les textes du groupe au niveau de la société est toujours présente.
Damny : Si tu ne fais pas ça, tu meurs. Il ne s’agit pas de prendre une carte pour un parti, c’est plus de savoir être un peu observateur, de parler de ce qui te touche et moi ça a toujours été ça avec La Phaze, parler d’injustice qui est quelque chose qui me mets hors de moi. C’est aussi pour ça que parfois il faut prendre des breaks parce que sinon tu pètes un plomb.
Ce que je veux expliquer, c’est que ce n’est pas un fond de commerce. C’est juste une réalité et la réalité des gens que j’aime.
A un moment donné, je me regardais un peu écrire, je n’arrivais plus à être spontané et je me rendais compte que je faisais des formules de style. Là sur cet album, c’est du 100% vrai, du bon sens, c’est de la vérité. Chacun à sa vérité, mais je ne triche pas, je ne cherche pas à séduire.
MB : J’imagine que vous avez envie de revenir sur scène plus que jamais. Une tournée de prévue ?
Damny : Il y a une dizaine de concerts prévus en automne sous réserve que l’actualité ne fasse pas évoluer cela. Voici quelques dates :
- Run Ar Puns Châteaulin (29) le 14/11/20 (C’est une super salle, accueil super et très conviviale)
- A Nantes (44) le 27/11/20
- A Strasbourg (67) à la Laiterie 4/12/20
MB : Par rapport à cette actualité, tu as pu bossé pendant le confinement ?
Damny : J’habite à Barcelone et j’ai la chance d’avoir un studio chez moi. Et c’est également ici que j’ai produit l’album du groupe. Et donc je peux continuer de travailler pendant le confinement et heureusement. Sinon j’aurais pété un plomb, j’aurais été très désagréable.
MB : Merci beaucoup Damny de nous avoir accordé cette interview, je ne manquerai pas de découvrir l’album en octobre prochain.
En attendant l’album, l’EP est à découvrir notamment sur Deezer ou Spotify