Menu

MetalEarth 2025 — Dans les ténèbres vibrantes d’un festival qui monte encore en puissance

Nombre de vues ): 1884

Vendredi — Les portes s’ouvrent sur le  Metal Earth.

Je me trouve devant l’entrée close, calme et drapée pour tenir l’impatient en haleine. Et pourtant, cinq minutes avant le départ, tout est déjà en mouvement. Autour de moi, les groupes de festivaliers se forment, discutent du running order du soir tout en planifiant les festivals de l’été. Il est assez incroyable d’entendre deux copains planifier la manière dont chacun prévoit de mettre de côté pour acquérir le billet et assurer les finances sur le site tant convoité.

Pas de doute : ce sont les passionnés, les vrais, ceux qui vivent au rythme des scènes et des amplis. Je reconnais ce genre d’énergie. Elle annonce un public qui va être attentif et en phase avec les groupes venus nous en mettre plein les oreilles.

20:00, les portes s’ouvrent et nous sommes accueillis par une haie d’honneur de photos et de textes présageant déjà de la masse d’informations que l’on va pouvoir prendre lors des expositions dédiées aux rivières bretonnes.

Le discours d’ouverture de Vincent Drévillon, patron du MetalEarth, est bref, presque symbolique. Une phrase sur le thème de l’exposition, un clin d’œil au programme et aux styles à venir… Pas besoin d’en dire plus : l’essentiel est la musique, Vincent le sait. Et tout le monde n’attend que ça !

Guru — Communion obscure

Il n’est jamais facile d’ouvrir un festival. Pour partie, les festivaliers découvrent encore le site qu’ils vont arpenter durant ces deux jours. Une autre n’est pas encore sur place, se préparant probablement de leurs plus beaux atours afin de faire honneur au groupe à ne pas manquer, selon eux. Enfin, il y a ceux qui ne veulent pas perdre une miette. Bien que n’osant pas encore se fondre sur les premiers rangs, ils sont prêts à en découdre. C’est ainsi que Guru ouvre le bal. Dans une ambiance déjà bien noire. Les rythmes sont accrocheurs, presque hypnotiques, et la performance vocale de Jerry s’impose sans forcer.

Les peintures de guerre piochent dans les couleurs fondamentales du style : noir et blanc. Une personne découvrant le black ne pourrait pas être mieux lottie. Le malaise volontairement provoqué est bien ficelé. C’est une atmosphère prenante qui nous immerge. Mais dites-donc, ils prennent autant leur pied que nous ces artistes! Ils sont vraiment en cohésion avec le public. Entre deux titres, Jerry rappelle que « nous partagerons les mêmes convictions » en évoquant l’engagement écologique du festival et le soutien aux associations. Le public répond, sincère — la communion est réelle. Le festival part sur les chapeaux de roues.

Entre deux enragés, place aux engagés.

Si vous avez déjà jeté un œil sur mes papiers sur le Metal Earth, il ne vous a pas échappé que tel un couple d’étoiles à neutrons tourbillonnantes l’une autour de l’autre, l’exposition écologique et les concerts sont  gravitationnellement liés. Pendant le changement de plateau dans le club de la Carène, le public est invité à écouter de courts discours – du taulier et des associations – introduisant la diffusion presque cinématographique de vidéos  d’information.

De la moule d’eau douce au saumon, de l’eau aux végétaux, ce sont tous les intermèdes de concerts qui deviennent propices à l’information, le dialogue, la prise de conscience et pourquoi pas le soutien financier ! Je vous invite à découvrir les présentations des associations en marge de ce reportage par des personnes à la vie bien remplie (informaticien, juriste) mais à l’engagement infaillible.

Bliss of Flesh — L’unanimité dans la fureur

Je les adore dès les premiers sons ! Bliss of Flesh ne perd pas une seconde. Après une musique comme activant les membres du groupe en pause statiques et concentrés, le set est lancé! Si je ne m’abuse, ils envoient le morceau If Only de leur album Metempsychosis  : un tempo accrocheur et une voix sombre mais punchy se succèdent et se précèdent aux riffs rapides, à une caisse claire superbement martyrisée, entourant un chanteur baigné dans une aura de lumière blanche presque aveuglante. Le pied bien calé sur son caisson de retour, il nous fixe fièrement, non avec dédain mais avec une évidente communion. Ça claque, ça tourbillonne, ça frappe fort. 

Le public ne s’y trompe pas : ça remue de la tête aux pieds, sans retenue, comme si chacun réglait un besoin urgent de violence musicale. Les passages instrumentaux, qu’ils soient supersoniques ou lents et écrasants, servent de transitions impeccables entre les morceaux. On ne voit pas le temps passer. Un set totalement prenant.

Necrowretch — Le noir à son sommet

Une tête d’affiche de ce premier jour assumée. Les néophytes entendraient certainement un black brutal et chaotique. Mais les oreilles habituées, elles, captent la technique, les nuances, la maîtrise. Necrowretch ne fait pas que jouer : ils assènent. Ce soir, on n’a pas juste pris du steak dans la tronche : c’est la vache entière qui frappe et qu’il est bon de se la prendre!

Vlad mène la danse. Au chant et à la guitare, il propose ses récits inspirés des plus noires histoires piochées dans l’humanité. Il raconte les légendes et les croyances aux connotations Metal. Jetez un coup d’oeil attentif à l’entrevue qui m’a été accordée par ce groupe qui ne va cesser de faire parler de lui. Sombre, vicieux, captivant… Le set est compact, dense. Il avale le temps. On cligne des yeux, et c’est déjà fini.

Heureusement, une entrevue vous attend en fin d’article !

Les spots de la scène quittent leur lumière rouge éclatante et se permettent enfin de refroidir tranquillement jusqu’à ce que, demain, la régie ne pousse à nouveau les potards jusqu’à la butée haute. Dans l’espace commun, les festivaliers y vont de leurs commentaires et les discours semblent s’accorder sur la solide qualité du running de ce soir. Il est une heure. Les gobelets se vident, la Carène également… Dans la nuit, l’équipe du Metal Earth s’affaire déjà à préparer le lendemain. Rendez-vous à 20:00.

Samedi — La montée en puissance continue

Après un vendredi bien black et une salle à la fréquentation encourageante, ce samedi monte d’un cran. La jauge est pleine. De la cour où prendre l’air jusque dans le Club, en passant par le Merch, les expos et le bar, c’est frétillant de vies de tous âges, tous sexes, toutes tenues.

Vincent reprend la parole pour rappeler la présence des associations et le programme à venir, proposant des groupes aux univers plus variés que la veille.

March Of Scylla — Premiers grondements

Le Club est déjà bien rempli.  La foule impatiente alors que March of Scylla lance la soirée. Leur metalcore sombre, porté par une basse lourde et profonde, installe une atmosphère dense. Florian, sans forcer, délivre des screams maîtrisés qui surprennent et captivent. Les instrus percutent d’un seul corps alors que la voix s’éclaircit, calmant temporairement les ardeurs des harders avant de proprement leur en remettre plein leurs tronches! J’aime leur façon de couper net ce qui apparaît comme un chaos musical pour lancer une guitare pentatonique.  C’est une ouverture de soirée solide, propre et bien construite.

Le son comme la scénographie nous font plonger la tête la première dans cette seconde journée de musique qui sera, une nouvelle fois, entrecoupée de moments d’échanges avec les associations présentes.

Revnoir — L’explosion contemporaine

C’est la sensation la plus dansante du week-end. Avec leur style très actuel, Revnoir emporte tout sur son passage : énergie constante, son propre, lumières puissantes (les plus lumineuses du festival), et un premier wall of death qui achève de réveiller la salle comme il faut.

Revnoir, c’est tout fraîchement les gagnants des Foudres de France 4. Tu ne connais pas les Foudres? C’est ce qui est annoncé être la première cérémonie en France dédiée au Metal. Elle s’est tenue au Bataclan en octobre et a été portée par La Fédération des Musiques Metalliques. Le contraste entre les moments doux à la voix chuchotée et les envolées brutales fonctionne à merveille. Rien ne dépasse, rien n’est brouillon : tout est millimétré. Une claque moderne qui me rappelle un groupe passé par mes oreilles il y a longtemps. En fait, Revnoir m’a remémoré les premiers pas de Asking Alexandria. Maxime (chant) semblait flatté de cette comparaison… Ouf !

Gorod — La conclusion magistrale

Que dire ? Une conclusion parfaite. Un gros coup de boule musical — la définition même d’un final de festival. Leur Death Metal technique mais toujours fluide déroule sans faiblir. Les riffs envoûtants s’entremêlent à une batterie percutante qui ne lâche jamais prise. Je suis assez fan de la basse d’une manière générale et là, Barby me régale.

Les cymbales résonnent et claquent, imprimant le tempo idéal pour une ambiance sévère et lourde, mais également pour laisser les grattes entamer des tapings tonitruants et des chants gutturaux de folie.

Au chant en effet, Nutz règne en maître, avançant jusqu’au bord de scène, conquérant, presque impérial. Je pense à Barney Greenway (Napalm Death) dans sa présence, dans cette manière de dominer la scène simplement en existant. Gorod referme le festival avec panache, puissance et certitude. Le public est secoué, vraiment. Je vois et je ressens cette vieille marave que tout le monde a prise avec Gorod. Les visages disent “oh putain!” le temps de s’en remettre et de confirmer, entre potes, que c’était bon. Les gens se parlent maintenant. Signe que pendant le set, il n’y avait pas de place pour la distraction.

EAUX ET RIVIÈRES DE BRETAGNE

BRETAGNE VIVANTE

Fermeture — Le cœur du Metal Earth

Vincent clôt l’édition avec chaleur : plus de 600 € de dons reversés aux associations soutenues par le festival. Le geste est salué comme il se doit car le Metal Earth reverse une partie des sous-sous dépensés par les festivaliers, en plus des dons directs ou Merch exposés aux stands des associations.

C’est sans doute cela qui fait la magie du Metal Earth : au-delà des décibels, nous retrouvons une communauté, un esprit, un accueil qui ne se forcent jamais. On se sent presque chez soi plutôt que visiteur. Cette quatrième édition est dans la même et stricte continuité de ce que veut transmettre l’équipe du Metal Earth. Je ne pense pas me tromper en me disant que dans quelques années, pour la dixième peut-être, ils ouvriront la grande salle !

Entrevue avec Nécrowretch

Mad Breizh: Necrowretch est un groupe qui a une histoire aujourd’hui bien ancrée depuis 2008. Raconte-nous ça à ta sauce : 

Vlad: Je suis originaire du trou du cul de la France et il n’y avait pas grand-chose à y faire, à part flâner à l’ombre des donjons et des châteaux. C’est déjà quelque chose d’assez Metal. Et de fil en aiguille, j’ai voulu recréer la musique que j’écoutais étant adolescent : tous les classiques de Black et de Death, de Thrash…

C’est pour ça que je me suis lancé, au début en faisant des démos, des petites maquettes tout seul. Ensuite j’ai trouvé des musiciens de la région pour créer les premières véritables démos et petit à petit le groupe a continué. Comme souvent dans le Metal, c’est dû à la résilience : le groupe reste longtemps actif et il évolue. Aujourd’hui, le line up est stable depuis quatre ou cinq ans et on en est au cinquième album.

La tournée de ce dernier album vous a mené jusqu’à Chicago d’où vous revenez. Comment avez-vous ressenti le public américain, en comparaison des métalleux européens dont vous avez évidemment beaucoup plus l’habitude ? 

Oui tout à fait ! Ça fait un grand écart entre Brest et Chicago ! C’était effectivement la première date que l’on faisait aux États-Unis, dans un festival avec pas mal de monde. C’était une bonne expérience de pouvoir jouer là-bas pour la première fois. Le public est à peu près le même qu’ici. La moitié des quarantenaires et la moitié des jeunes. Même en Europe, il n’y a pas tellement de différence entre faire une date sur un festival en Allemagne ou en Pologne. C’est à peu près la même typologie de public.

Vous êtes actuellement sur la tournée de présentation de l’album “Swords Of Dajjal”. Ce personnage est considéré comme l’antéchrist de la religion musulmane. Est-ce le personnage qui est traité dans cet album ? Ou est-ce une métaphore sur le monde d’aujourd’hui, sa décadence?

Il n’y a pas vraiment de réponse. En effet, chacun peut faire sa propre interprétation. C’est ce qui est important dans le Metal. Je ne vois pas ça comme quelque chose de dogmatique, avec une seule version de l’histoire. Il y a plutôt un conte comme Les Milles et une Nuits, où chacun peut faire sa propre interprétation de ce que l’on a voulu représenter.

Par rapport à Dajjal, on peut y voir un monstre qui représente le Mal absolu et qui s’emparerait d’une relique sacrée et qui créerait le mal avec. C’est un sujet que l’on retrouve par exemple dans le Seigneur des anneaux.

Et qu’est-ce qui finalement te donne l’envie de raconter ces contes? 

Et bien, pour commencer il y a l’univers cauchemardesque en lui-même qui est propre au Metal. C’est une influence qui vient de beaucoup de choses. Pour notre génération ça va être la musique, les livres, les jeux vidéos. Des fois tu regardes un film et tu te dis “ça c’est Metal !”. Il y a certains thèmes comme sur cet album qui parlent de civilisations oubliées, comme les numides ou les berbères.

Au fur et à mesure de mes lectures, je me suis rendu compte qu’il y avait certaines choses qui n’étaient pas très développées et je me suis dit que c’était assez Metal. Tout est “à faire” par rapport à ça donc il y a une interprétation qui est possible. À partir de là c’est assez facile de créer un morceau. Et ça continuera longtemps puisque dans le monde entier il y a des visions du diable ou de la mort, dans toutes les cultures. C’est un terreau qui est assez fertile. Il y a de quoi faire encore quelques albums là-dessus. 

C’est une écriture qui est assez ancrée dans le fantastique. Y a-t-il quelque chose de personnel malgré tout dans tes textes ? Et d’ailleurs, tes lectures t’inspirent en premier lieu des mots ou des mélodies?

Le parcours de chacun fait qu’on peut être influencé par telle ou telle œuvre et qu’on est plus sensible à certaines fibres artistiques. Ça reste un univers fantastique. Il est évidemment ouvert à l’interprétation mais on n’est pas du tout dans la revendication ou dans les choses qui paraîtraient trop concrètes. C’est pas très Metal, de mon point de vue. Pour ce qui est de vibrer, la musique vient toujours avant les textes. Il y a une ambiance qui vient, une corde qui résonne. Quelque chose qui reste dans cette gamme mineure et à partir de là ça va très vite. C’est difficile de mettre des mots sur certaines émotions.

Et donc ce soir, étape brestoise avec le Metal Earth.

Nous avons fait peu de dates en Bretagne et c’est la première fois dans le Finistère. C’est donc l’occasion de venir sur ces terres qui sont aussi des terres de Metal, de contes et de légendes. C’était une bonne occasion pour nous. Il s’agit d’ailleurs de notre dernière date de l’année ce soir.

Nous allons y proposer notre grande set list. Nous en avons une petite qui sert pour les concerts où l’on nous laisse moins de temps, comme les premières parties de groupes plus gros ou dans un festival comme le Hellfest, avec des temps plus courts sur les sets de journée. On a d’ailleurs attendu que The Offspring viennent nous voir au Hellfest… Mais personne n’est venu ! [rires]

Ce soir nous avons à peu près une heure de plateau en tant que tête d’affiche.

Nous arrivons en période hivernale mais y a-t-il des dates prévues début 2026 ?

Pour ceux qui aiment voyager, nous allons jouer en Islande au mois de juin. Ça sera notre première date là-bas. Et sinon on ne va pas faire trop de concerts l’année prochaine car on va se concentrer sur la composition de nouveaux morceaux. Évidemment c’est à voir avec les éventuelles propositions que l’on recevra, mais on est quand même plus ou moins à la fin du cycle de présentation de cet album qui dure depuis deux ans. On a déjà fait pas mal de dates et de pays pour cet album-là. On va donc devoir clore ce chapitre pour en commencer un nouveau.

La météo Madbreizh dans ta boîte mail ? C'est ici ! Promis pas de harcèlement, on préfère passer notre temps à l'apéro.