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Le Gros 4 : Quimper en fusion

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 Le pied ! A l’annonce de cet événement musical, je me sentais déjà dans le soulagement de renouer avec les belles soirées de musique extrême, à deux pas de chez moi qui plus est.

Le Gros 4 est l’association de quatre groupes français, qui depuis plus de 20 ans, transcendent les fans de metal. En ordre alphabétique, nous avons Mass Hysteria, No One Is Innocent, Tagada Jones et Ultra Vomit. Ces gars-là ont la patate, et ils l’ont bien transmise.

Seule une petite demi-heure nous séparait, mon pote et moi, de ce concert printanier, aux allures de festival. Arrivés à hauteur de Quimper, nous changeons de cap à la sortie menant au Pavillon, haut lieu de la musique et des expos quimpéroises. Encore quelques centaines de mètres et la dernière montée est inattendue : un bouchon de véhicules s’étend sur le dernier kilomètre qui nous sépare de l’endroit tant convoité. Loin de nous agacer, de nous décevoir, ce ralentissement routier est au contraire accueilli dans nos esprits comme une belle surprise ! Notre inconscient se muni de souvenirs passés et remonte en nous immédiatement la sensation presque oubliée d’atteindre un grand festival. Dans ces moments troubles, il est tellement incertain de retrouver en ces lieux une foule suffisante pour remplir quelque salle que ce soit.

Fin connaisseur des lieux, je propose de garer le véhicule terrestre à moteur sur un petit parking, séparé d’à peine 500 mètres du lieu ciblé, nous évitant quelques minutes d’attente dans la file motorisée. Moteur à l’arrêt, nous descendons aux côtés d’individus festifs qui, comme souvent dans ce genre d’événement, sirotent une petite mousse avant de « décoller ». Le moment est convivial. Les échanges joyeux. Nous trinquons en évoquant le fabuleux HellFest pointant le bout de son nez dans quelques semaines seulement. Nos gosiers réhydratés, et les bouteilles bien rangées dans le coffre, nous prenons congés de nos voisins de fortune.

L’ascension de la côte se fait avec hâte et l’approche inévitable du lieu de concert nous fait intégrer une meute de plus en plus conséquente. « Il va y avoir du monde », se dit-on avec mon pote. Quel pied de voir tout ce monde ! Ici, j’observe un groupe de barbus en cuirs estampillés Lamb Of God ou Testament. Par là, des femmes, parées de leurs plus beaux et plus gothiques atours. Je me dis que pour ce retour aux sources, ces personnes ont décidé de tout donner ! Même les personnes vêtues de couleurs plus chamarrées ont cette aura metalleuse et entrent finalement parfaitement dans le thème qui se dessine dans la foule.

Ayant oublié chez moi mon billet en format papier, je me félicite d’avoir conservé la version numérique. Tout n’est pas bon de nos jours, mais la technologie peut vous sauver une soirée semble-t-il. Le concert est annoncé pour 19:00 et dans cette dernière trentaine de minutes d’attente, nous décidons de faire le tour du proprio. L’entrée est fluide et débouche dans un hall noir de monde et un premier coup d’oeil nous permet de distinguer trois possibilités. A droite, la salle de concert que nous foulerons très bientôt ! En face, un petit merch et un stand de prévention. A gauche, une grande salle pourvue d’un grand bar. Nos yeux pétillent, nous savons par où commencer : cap à gauche !

Par la suite, une petite inspection de la salle de concert nous permet de prévoir notre situation future, quand nous ne serons pas à guerroyer dans les premiers rangs. Oui, bon, c’est près du bar mais ce n’est pas que pour ça. L’axe avec la scène est intéressant. Cette scène, lumineuse et pourvue de rampes de baffles de 4 mètres de haut, annonce par son écran géant que le groupe à venir est Mass Hysteria. 

 Le Gros 4, ce sont des groupes qui, selon eux, sont aussi populaires, aussi méritants et une fois ce constat établi, la seule solution envisagée par les artistes tient en deux simples points. 1-Les groupes auront tous le même temps de concert et 2-L’ordre de passage sera tiré au sort pour chaque soirée, excluant toute notion de tête d’affiche. Celà étant dit, le tirage du jour nous fera écouter Mass Hysteria en ouverture, suivis de No One, puis Ultra Vomit. La clôture pour cette fois sera assurée par Tagada Jones.

Nous y sommes. 19:00 pétantes, la scène change d’ambiance et une musique d’intro émerge : le show débute. Mouss et ses camarades sont survoltés. Jouant à domicile, la connexion du groupe avec nous, le public, est immédiate. Le charismatique chanteur se permet même d’adapter les paroles pour personnaliser ses propos. Ainsi, par exemple, dans le succulent Reprendre Mes Esprits, Mouss ne va plus « partir en piste à Brest même » mais bien à Quimper. Et ça fonctionne. Le public apprécie et monte en pression. Mon pote et moi décidons de nous approcher de la scène. C’est avec une surprise non dissimulée que nous constatons qu’il y a davantage de place qu’à l’arrière de la salle. Mais ça ne durera pas, je peux vous le dire.

Les tubes s’enchaînent jusqu’au fameux circle pit, bien connu sur nos devants de scène, mais incontournable pour ce band. Ni une, ni deux, je me lance le sourire aux lèvres dans la ronde, jouant des coudes avec cet équilibre presque mathématique : Pousser+Résister+Courir+Etre prévenant avec les plus faibles = Gros kiffe. Et tout le monde fait comme moi. Le lambda trébuchant n’a pas le temps d’atteindre le sol que déjà tous les mecs autour sont à le relever. Le gars hurle comme un guerrier prêt à reprendre le combat et continue ses tours de piste. Avec un peu plus de sensibilité en moi, ça mériterait une petite larme.

Piquant leurs tubes dans leur panel de neuf albums, Mouss reprend son souffle en nous parlant. Il évoque notre Bretagne qui est aussi la sienne et c’est non sans émotion dans la voix qu’il évoque les frissons qui parcourent l’épiderme de ses bras. Le poil se hérisse et le frontman se retourne comme pour contenir une émotion dans une pudeur touchante.

Le show se termine sous les hourras et je me mets en quête de mon pote, emporté dans les vagues de metalleux festifs. Ce show de Mass Hysteria est une formidable intro à cette soirée. Ils nous ont mis dedans avec une claque d’enfer et nous voilà prêts à manger la soirée dans cette communion tellement attendue.

Vous savez ce qui m’a aussi donné le sourire ? Lors du changement de plateau quand, comme beaucoup, je suis sorti prendre l’air (et la bière), je me suis aperçu de ce léger acouphène et de ce fond de gorge qui pique. J’adore ! Enfin j’entre dans cet état second ! J’ai gueulé parce que je n’ai aucune qualité artistique et je m’étonne, a posteriori, d’avoir autant délivré de décibels de mes cordes vocales. Pas de panique. Le houblon réhydrate tout ça. Je me parre pour le prochain groupe !

La première fois que j’ai vu No One Is Innocent en concert, c’était en ’97, au V.I.P de Saint Nazaire. Dans mon for intérieur, je rêvais d’un Nomenklatura indémodable et extrêmement inflammable. Mais il ne vint jamais. Qu’à cela ne tienne, Kemar Gulbenkian a une patate d’enfer ! Il bondit en tous sens et son chant toujours aussi puissant et rageur. Le band semble aussi engagé et révolté que dans leurs jeunes années. Les plus courageux du public entament des slams, durcissent les pogos au son saturé des instrus. Car si une chose peut surprendre un jeune fan de No One, c’est la saturation des grattes. Nous sommes en live, en 2022, et il est clair que les réglages instrumentaux ont pris un coup de jeune. Personnellement, ça sort légèrement le son de la branche punk et j’avoue que pour mon goût propre, ça met un coup de fouet. D’autant que la mélodie survitaminée à 113db (j’ai vu la mesure ambiante) n’altère en rien le chant de Kemar qui n’a pas pris une ride. Je parle du chant ! Le frontman est d’un âge indéterminé par sa fougue, son énergie et sa morphologie longiligne.

Même si j’y ai trouvé une fusion moins évidente qu’avec Mass, le spectacle nous porte de plus en plus et mon sweat s’éclipse, solidement noué sur mes hanches. Ma tenue reste décente en comparaison des incontournables messieurs qui ne se sentent à l’aise que torse nu. Il n’y a pas à dire, nous sommes de retour à la maison !

J’ai chaud et le break suivant reste l’occasion de sortir nos pénates de la salle. La nuit est tombée et à la verticale de la petite cour, la lune tente de nous éclairer. Effort rendu inutile par les lumières artificielles. Mais nous la remarquons et, comme une réelle pause, une remise à zéro de nos fonctions cognitives, mon pote et moi parlons astronomie en évoquant le prochain alignement de 4 planètes, prévu le 20 avril prochain. (info gratuite,cadeau, ça me fait plaisir). 

C’est l’heure du demi et j’avoue qu’à 4 euros le verre, on l’apprécie. Mais j’attendais ça depuis tellement longtemps que je n’ai pas l’esprit à me contrarier pour si peu.

Le groupe suivant reste très certainement la raison principale de la présence éparpillée mais conséquente d’enfants de tous âges. Casques anti bruit sur les oreilles, ils attendent qu’Ultra Vomit fasse le show. Affublé de sweat, capuche sur le crâne, le quartet envoie le son. Mais surprise ! Après quelques mesures, ils posent les grattes, les baguettes, et quittent la scène. La sono entame la diffusion d’une musique d’ascenseur et l’écran géant nous demande de patienter, les musiciens étant en train d’accorder leurs instruments. Nous voilà donc amusés par la première boutade qui ne se sera pas faite attendre bien longtemps. Trois minutes passent et le fameux générique à la Looney Toons apparaît à l’écran, lançant définitivement le set. Enfin disons que ça aurait pu commencer si les artistes s’étaient placés à temps. Entre facétie et réel retard, je ne sais quoi choisir. S’ensuit une intro hommage à Motörhead avec leur titre Quand J’étais Petit. Le ton est donné. Les zikos sont survoltés et ce qui me frappe, à mesure que les titres s’enchaînent, ce sont les sourires des artistes. Flockos arbore une large banane de A à Z et « le farfadet » Matthieu Bausson est intenable à sa basse. Des trois groupes passés, c’est sur celui-ci que le public donne le plus de voix. Le nombre de convives capables de débiter les paroles exactes de chaque tube est impressionnant. Ultra « putain » de Vomit a une nouvelle fois réussi son show. Sur la chanson Pipi Versus Caca, j’ai eu l’honneur de faire le wall of chiasse du côté des cacas ! Je sais. C’est la classe… Entre guests (Jésus puis le Roi des canards) et reprise de Mylène Farmer (si si!), les UV ont proposé une fête pleine de surprises. Ca nous a fait un bien fou.

Le changement de plateau, le dernier, est en cours. Lors de ma presque traditionnelle sortie dans la petite cour, ce qui me frappe sont les commentaires de mes camarades tabacophiles. Ça félicite, ça commente le groupe avec enthousiasme et rigolades. Ce que je n’ai pas entendu avant. Pas autant. Comme si les UV étaient le groupe attendu au tournant. Je me dis que nous avons quand même tous, gros metalleux qui font peur, une réelle propension à l’amusement. Nous sommes de grands gamins !

D’ailleurs, la récré est finie. Je me place dans l’axe de la scène en luttant avec ce sol qui est maintenant devenu bien collant. Ça me rappelle bien des souvenirs tiens… Tagada Jones entame son set. Niko et ses camarades sont la légende du punk metal français et une bête de scène. Toi qui lis ces lignes, il est fort probable que depuis 1993, tu aies eu l’occasion de les écouter en live. Les Rennais sont toujours aussi engagés, enragés et les paroles toujours sans filtre. Cependant il y a, encore une fois, ces sourires. Niko prend son pied à nous chanter ses paroles et le sentiment se dégage que la lutte passe par la joie. Derrière eux, les symboliques bidons de ghetto enferment des flammes révélant les initales du groupe. Ambiance quartier paumé, concert de rue, les grattes dispensent un son mis à jour. Les satures metal et les basses pénétrantes rendent ce show encore plus physique. Nous ne faisons pas qu’écouter Tagada, nous l’absorbons. Il est presque minuit et le public du Pit, déjà en transe depuis près de cinq heures, ne débande pas. Tout n’est qu’énergie positive. L’énergie de l’attente interminable d’un tel concert, l’énergie des groupes survoltés qui se diffuse à nous, l’énergie des taverniers soumis à un rythme effréné pour nous permettre de contrer quelque peu les irritations de la gorge.

 Le dernier morceau sera Mort Aux Vaches. Quelle meilleure excuse pour que nos hôtes du jour se retrouvent sur scène et d’entonner le titre ensemble ? Alors nous voyons, autour de Niko et des Tagada, se rassembler les artistes de la soirée. Bras dessus, bras dessous, ils déambulent le verre à la main et chantent, dansent, rigolent, sans se soucier de la présence de micro à leur portée. Non, il n’y a pas d’égo démesuré ici. Ils sont en fête et peu importe que nous ne les entendions pas tous interpréter le tube, nous ne pouvons qu’applaudir l’unité de ces showmen qui sont l’essence même de ce concept de Gros 4 égalitaire et sans prétention.

Comme toute bonne chose a une fin, après une salve d’applaudissements et de sifflets de remerciement, je me dirige vers la sortie. L’air frais me rappelle que j’ai eu chaud et que je suis bon pour un bon rinçage. Mes oreilles sifflent et mon regard est en recherche de mon pote. Je suis déjà en train de me remémorer ce moment. Enfin j’ai foulé le sol collant d’un concert metal. Enfin je me suis trouvé entouré de milliers de gens habillés en noir… Enfin !

Ah ! Enfin je retrouve mon pote ! Quelques minutes d’une marche sous forme de premier débrief et le véhicule nous ramène aux bercailles. Avec une nostalgie précoce due à la réalité rattrapée, je fais attention à ne pas faire de bruit.

Le Gros 4 sera à Lyon le 28 mai, puis à Toulouse et Montpellier les 4 et 5 juin. Si vous voulez vous remettre dedans avant les grands festivals d’été, passez-y. A dix balles le groupe, c’est une soirée à ne pas manquer.