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Metalearth Festival, retour sur les lieux du scream

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La scène est fin prête

Quoi de plus exaltant, après une longue journée de travail que de terminer la journée par un festival de musique ? Pour ce qui me concerne, après le dépôt de ma progéniture au domicile, me voilà au volant de mon véhicule terrestre à moteur afin d’avaler les 93 kilomètres et arriver, si mes calculs sont bons, pile à l’ouverture des portes, à 19:00.

Raté ! C’est avec un retard très respectable de 15 minutes que je franchis les portes de l’espace Léo Ferré. Lieu réputé depuis 1994 comme un haut lieu du dynamisme de la vie culturelle brestoise, il accueille donc pour deux soirs le festival engagé et enragé Metalearth Festival. Deux bénévoles dont j’envie déjà le t-shirt du staff sont souriants et affairés à l’exécution de leur tâche. Entrée en poche, ou plutôt autour du coup, je lève les bras devant David, massif, imposant. Peut-être même devrais-je dire « je lève les mains » tellement il en impose. Mais David est bien sympathique et on rigole déjà, dès les premiers mots. N’empêche que ce n’est pas à lui que je piquerai le t-shirt !

Je piétine quelques instants, le temps de prendre mes repères et comprendre la physionomie du lieu. Sur la gauche, la double exposition engagée : Férus, association invitée, et l’extinction des espèces, regard sur la biodiversité. Dans ce même coin cosy, le merch des groupes du soir dont nous reparlerons plus loin. En face de moi, l’entrée de la salle de concert aux portes encore closes attend son heure pour gober le flot de metalleux. Sur la droite, petit coin Merch du festival et vestiaire, tous deux également tenus par des bénévoles en pleine discussion avec leurs « clients » respectifs. Et on se marre ! C’est cool de voir que tout le monde a la banane !

Vincent Drévillon

 La soirée prend tournure. Les portes de la salle s’ouvrent sur un espace tamisé où la scène, lumineuse, est encore déserte. Le bar est ouvert. Quelques verres estampillés du festival sont remplis d’une bière artisanale ou d’un soft made in Breizh. Tout à coup apparaît Vincent, meneur de revue, organisateur omniprésent de ce moment festif. Il entame son discours dans un phrasé posé et légèrement gêné. Mais les nouvelles sont bonnes car le public, dont la jauge est presque déjà atteinte en ce début de soirée, a déjà, par leur simple don à l’entrée, réuni 120€ pour l’association Férus. Parenthèse : le principe est simple, la place est à 13€ mais vous pouviez en donner 15€ en guise de soutien. Vincent lance les hostilités. Depressive Witches, band de black metal picard, entre en scène. Venus présenter leur dernier opus, Distant Kingdoms (2022), les deux frangins assurent dès le début. Pourtant ils ne sont que deux. Une batterie et une guitare/chant. On passe de zéro à cent en deux secondes chrono. Couvert d’une capuche surplombant une chevelure longiligne, Sick Bab entretient le mystère de son visage que l’on devine bien jeune. Le frangin Torvus se la met sur ses fûts avec une envie qui en fait se dévisser une cymbale. Tant pis, pour ce morceau, l’élément restera à la verticale ! Erreur de serrage ? Possible. Cependant, un peu plus tard dans le show, je remarque un nouveau serrage sur ce que je crois être le « ride ». Quelle énergie ! Bien plus que le public qui, montrant quand même son contentement par de rythmés headbanging et de jolies ovations, ne bouge encore pas vraiment. Telle la boom de notre enfance, la chaleur monte très progressivement. Bravo Depressive Witches pour cette mise en bouche couillue !

Place à l’intermède. Certains prennent l’air, d’autres se ruent sur le merch du groupe aux muscles encore chauds de la prestation passée ; les derniers profitent d’une salle apaisée et d’une foule dispersée pour se rafraîchir au bar. Cet espace temps n’est pas sans animation. En effet, un écran aussi blanc que mural diffuse bientôt des images de loups pour la plupart issues de cameras cachées dispersées sur les chemins des loups. Le cap informatif et engagé est tenu.

Depressive Witches

FT-17

 Le second groupe de la soirée se nomme FT-17. Sachant que ce nom est tiré de l’ancêtre by Renault du char d’assaut, je ne suis pas étonné de voir un soldat en uniforme rouge garance en co-frontman. Pour plaisanter avec mon voisin et sans moquerie pour ledit band, je mentionne que j’ai déjà vu des groupes de ska moins nombreux que ça sur scène. En effet, le concept est intéressant avec un piano, une batterie, une basse, deux guitares et deux chants. Hugo Chereul sort de la narration et envoie le duo avec Misein. Tous deux synchros, ils sont investis pour nous faire revivre les propos de Marcellin, racontant son vécu et sa vision de la guerre. Le concept est intéressant et la puissance du black metal mélodique ne fait que renforcer les sentiments de peur, de désespoir et de questionnements que le protagoniste transmet dans ses écrits. Les musiciens sont parfaits et le son de la salle d’une qualité optimale. C’est bien simple : pas de bouchons à trois mètres de l’enceinte et pourtant, aucun acouphène à la fin de la soirée. Le public se transporte, monte en pression et voilà que le groupe propose le premier circle pit. Peu de public à s’exécuter mais la mayo prend, les gens se lâchent. Après l’échauffement du premier set, nous atteignons notre vitesse de croisière au rythme des titres de Aisne 1914, dernier opus du band.

PFFF ! Ça a balancé et nous méritons bien notre second intermède. Changement de plateau, une fraîche libation et petit film informatif, tout est en place dans l’attente de la tête d’affiche du soir, Witches. Je prends l’air et suis stoppé à mon retour par David, toujours une bonne raison pour ne pas me laisser entrer (pour l’amusement). Cette fois je n’ai pas le tampon de la soirée ! Je relève les manches, arborant quelques tatouages. « Ah si! Tu es tamponné, tu peux entrer… » Sacré David.

Nous y voici. Witches est sur scène, chacun scrutant le sol ou faisant signe à la régie afin de checker les derniers détails. Sybille, première chanteuse gutturale en France (since 1986 !), se tient droite et prête à en découdre. Elle arbore un sourire tranquille et une magnifique chevelure que l’on sent aussi sauvage et rebelle que le pied de micro, soudure artistique d’une chaîne de belle maille. Je ne vous ai pas dit : Witches, c’est du thrash death. Non seulement ce ne sont pas des enfants de cœur, mais en plus de ça il y a du passif. Espagne, Suisse, Belgique, Altar au Hellfest, Népal… Seule la pandémie aura eu raison de leur expansion internationale, les privant du Japon. Alors autant vous dire que les avoir ici, à Brest, était un grand plaisir. Les tubes de l’album The Fates s’entrecroisent de titres précédents, modulant le set dans des riffs particulièrement acérés. Sybille (comme ses comparses) est ravie de jouer, pour la première fois, en Bretagne. Pour en mesurer toute sa joie et prendre des nouvelles fraîches du band, je vous invite à lire très prochainement l’entrevue qu’elle a eu la gentillesse de m’accorder durant ce week-end.

Une heure de concert, comme un léger goût de trop peu, termine cette première journée de la meilleure manière qui soit. Mais toute bonne chose ayant une fin, le public est invité à quitter le lieu de festoiment et à y revenir demain, dès 18:00.

Silence et souvenirs en boucle accompagnent la petite fatigue qui me gagne…

Witches

Argue

 Le lendemain, je suis à l’heure. David ne me laisse pas entrer : mon badge deux jours n’était valable qu’hier… Bon, il a la forme et le sourire, comme tous les bénévoles sur les visages desquels on ne ressent aucune fatigue de la veille, aucun signe de troisième mi-temps prolongée.

Le concept de la soirée précédente est le même, mon check dans le hall également. Seule la partie du merch des groupes a changé. Il y a de quoi se faire plaisir et je remarque que comme hier, le vinyl revient bien à la mode. Les pochettes sont toutes richement travaillées et certains skuds imprimés de couleurs tranchant avec le noir silloné habituel. La seconde grosse différence est que ce soir, nous allons nous gaver les esgourdes de quatre groupes.

Le bilan intermédiaire de Vincent, en début de soirée, prend place. Mon entrevue avec la tête d’affiche du jour me privant de ce moment simple et efficace. Les nouvelles semblent dire que seules sept places restaient de la veille et que ce samedi est aussi complet qu’une pizza quatre fromages garnie de huit !

Premier set : Argue. Les lorientais de DeathCore remplacent Hatch (MetalCore de Brest). Présentant notamment leur dernier album Perspective (2022), le band met instantanément le feu. Guillaume, au micro, jongle parfaitement avec sa voix tantôt arrachée et dans les hautes notes, tantôt gutturale. Les riffs des deux gratteux sont incisifs, sans concession et sans pitié pour nos nuques à peine remises de la veille. Mais la rapidité du médiator en translation verticale sur les cordes ne semble pas être le seul critère du groupe. J’entends que les guitares surchauffées sont synchrones pour délivrer une richesse musicale et une profondeur supplémentaire au genre. A la batterie, Julien tape sur ses peaux avec expérience et a priori vachement de plaisir. Le sourire est bien présent malgré la sportivité du moment pour lui. Moi, le sport, ça me donne soif. Je me paye une petite goutte.

Comme pour la veille, chaque tiers-temps a pour but de permettre aux gens d’affiner leurs connaissances sur la nature, dépenser quelques piécettes aux merchs ou profiter de la douceur extérieure. Les films, quant à eux, seront diffusés plus tard.

Despite The End

 Attention ! Le groupe suivant monte sur la scène d’un festival pour la première fois. Ils ont une certaine habitude de la scène mais on les sent excités, contents et fiers, mais juste un peu saupoudrés d’un léger trac. Ce dernier, ils ne l’ont pas eu bien longtemps, je vous le dit ! En effet, le quintet de New Metal nous assène, dès les premières mesures, de riffs énervés. Dur de faire le band énervé quand on arbore un sourire jusqu’aux oreilles, mais la proposition musicale tient carrément la route. Comme me dira Vincent plus tard dans la soirée : « On ne s’est pas gourré dans la programmation ! » Le public est sûrement d’accord avec lui puisqu’une jolie bande de pogoteurs sévit lorsque les titres les plus rythmés font leur apparition. Comme si cela ne suffisait pas, Vartan, frontman du groupe, organise un wall of death. Carrément. Le public se sépare, se cherche du regard, se tapote le voisin pour confirmer « qu’on y va mec ! » et la zik démarre. Ramené aux dimensions de la salle et au nombre de spectateurs (le festoche est full guichet fermé ce soir), je peux certifier devant les instances du head banging et des cornes du diable réunis, que c’était là un imposant wall of death. Despite The End présentait Survive The Turn (que je me suis payé pour la peine!) avec une belle émotion, transmise, et un appétit de la scène indéniable.

On a bien mérité notre pause. Spectateur, c’est physique parfois…

Arrive le band que j’attendais. Pour avoir découvert il y a quelques temps leur dernier opus de 2022 The Sixth Extinction, je trépignais de découvrir leur prestation. Comme l’ensemble de l’auditoire présent et motivé, je n’ai pas été déçu. Ils nous proposent un moment emprunt de mélancolie, de rébellion, de force. Prosant sur le monde en cours d’extinction, les lignes rythmiques nous conservent dans une transe musicale de haut niveau. Les sons bien graves s’opposent magnifiquement à la voix limpide de Marc. Ce dernier maîtrise également les envolées plus pêchues, accompagné du bassiste Julien en back vocals. Ce qui frappe, et là bravo le Metalearth Festival, c’est la clarté du son. C’est fort et couillu en distribuant toutes les gammes audibles et l’écoute n’est que pur plaisir. Les gratteux Gilles et Thomas envoient du lourd entre deux ambiances plus atmosphériques alors que Céline, aux fûts, semble d’une sérénité à toute épreuve quelle que soit la vélocité à apporter aux percussions. C’est ici une déclaration bien personnelle bien entendu, mais je viens ici de passer le meilleur set depuis la veille. Tout était carré.

Il faut malgré cela se reprendre. Dans une vingtaine de minutes, la tête d’affiche va faire son entrée.

Nothing But Echoes

Le batteur, Clément, est en place et en charge de lancer les débats. Musique d’ambiance, hourras de la foule, voici qu’entre Fractal Universe. Quartet de Progressif Death Metal depuis 2013, ils sont définitivement venus mettre l’ambiance ! Partis sur les chapeaux de roue, les titres du dernier opus, The impassable Horizon, se succèdent et Vince a une voix percutante, tout en grattant un cheminement musical complexe. Le lead guitar, Hugo, profite de certains passages musicaux pour aller prendre la température de la salle. Exécutant ses parties avec une quasi transe, il joue entouré du public respectant sa présence et communiant avec plaisir avec lui. Sur la scène, Valentin envoie les rythmes de basse non sans replacer d’un coup de tête, sa magnifique chevelure blonde sur ses épaules.

Il y a un point qui est notable durant cette heure de set. Vince s’éclipse de temps en temps en coulisses et en reviens avec un instrument inhabituel dans ce genre musical : un saxophone. C’est assez surprenant mais au final, dans les parties les plus progressives, où le découpage du rythme prend toute son originalité, il se trouve que le saxo apporte une ambiance différente que pourrait nous rendre une guitare. A l’initiative de Vince, je trouve aussi pas mal qu’il contrebalance ces moments jazzy avec sa voix résolument death et puissante.

Le show se termine sous les ovations. La conclusion de ce festival a été puissante, énergique et énergétique. La configuration de cette salle à taille humaine a également participé à cette symbiose avec les groupes qui ont magnifiquement défilé lors de ces deux soirées.

Vince, Fractal Universe

 Je passe voir Tanguy, représentant de Férus, association invitée cette année. Pour lui le bilan est positif et nous commente son week end : « On a eu huit adhérents à Férus qui sont venus d’un peu partout en Bretagne pour tenir ce stand pendant deux jours. Ça a été complet les 2 soirs il me semble. Il y a eu pas mal de monde à venir sur les deux stands. C’est ce que voulait le Metalearth finalement : la proximité entre leur cause « engagés et enragés » comme ils disent et la nôtre. L’engagement était là, nous on était présent les deux soirs. On a eu pas mal de visites, quelques adhésions de gens qui sont intéressés pour venir faire les zozos avec nous dans les montagnes pour s’occuper des loups et des troupeaux. Donc a priori c’est positif, carrément ! »

A propos d’adhésion, je lui demande une petite précision qu’il me délivre sous cette forme simple et efficace : « Pour adhérer, le plus simple c’est sur le site : c’est 30 € par an, ce qui permet d’avoir la gazette, notre petite feuille de chou, quatre fois par an et qui donne les informations sur le loup et sa protection, sur l’ours et le lynx. Le plus simple c’est sur le site ferus.fr ou ferus.org. »

Et d’un !

Férus avec Tanguy au centre.

 Me reste à dénicher Vincent Devrillon, Président, directeur artistique du Metalearth Festival – enfin le taulier quoi – afin qu’il nous donne ici son ressenti pour le second volet du festival et, comme il a eu le mot d’introduction, bouclons la boucle en lui laissant le mot de la fin : « Je suis reconnaissant envers toutes les personnes qui travaillent à l’organisation du festival et celles qui nous aident financièrement ou matériellement. Bénévoles, partenaires, groupes: grâce à leur engagement nous pouvons proposer un festival de qualité et original dans le paysage actuel.

Cette année nous avons offert une expérience artistique et technique encore plus aboutie que la première édition et ainsi bouclé un cycle de 2 ans à l’espace Léo Ferré.

Alors je donne rendez-vous à tous en 2024 pour une troisième édition de plus grande envergure, je l’espère! »