Je me demandais si présenter Motörhead avait une nécessité flagrante. Dans le doute, et avant de parler de la monstrueuse compilation ayant vu le jour fin octobre, je vais faire court sur le band. Véritable fondation de la musique extrême, Motörhead envoie du bois depuis 1975. Pierre angulaire entre punk et Metal, authentique centre de gravité, inspiration pour des milliers de groupes, ces anglais n’ont pourtant eu, de leur longue carrière, que la très humble volonté de jouer du Rock N’ Roll. Pour les fans de chiffres, sachez que Motörhead a sorti la bagatelle de 22 albums studio et j’avoue que j’ai arrêté de compter les morceaux au bout de 312 titres recensés !
Je me mets donc à la place du courageux mais méticuleux responsable de cette compilation dont nous allons parler maintenant. Elle se nomme Everything Louder Forever (The very Best of) et ne comporte pas moins de 42 titres. Je me doute de votre réaction, j’ai eu la même ! : « Mais bordel !! Comment n’a-t-il pu choisir QUE 42 morceaux ? Eliminer 270 chefs d’oeuvres ?! ». J’en fais possiblement trop mais la question reste intrigante. On parle de choix sur le contenu, de l’ordre de passage, de la composition de ce fleuve de titres. Un album studio raconte une histoire. Qu’elle soit musicale, thématique ou conceptuelle, il y a bien souvent un fil rouge.
Du fait de sa nature même, une compilation regroupe le meilleur sur une période, aussi courte soit elle. Elle résume, en quelque sorte. Dans ce cas, quel genre de bazar ont-il pu mettre dans ce double CD ? Comment rendre cohérent 45 ans de tubes planétaires en « seulement » 42 titres ? Rassurez-vous, chers amis. Le boulot est franchement bien fait.
Bien loin de moi l’idée de vous décrire un par un les morceaux se succédant avec force et passion tout du long de cette galette. L’introduction sonne par ce qui est maintenant, et officiellement, l’hymne de Motörhead : Ace Of Spades (Ace Of Spades 1980). Tel un sportif mettant un pied dans le stade sous les hourras du public, ce morceau anthologique met en lumière le band faisant son apparition. En pleine forme, ils entament la monstrueuse check-list. S’en suivent Overkill (Overkill 1979) et le merveilleux Burner (Bastards 1993). C’est bien simple, au bout des 8 premiers titres, astucieusement issus de 4 décennies de musique, j’ai eu les cervicales en compote. Le casque serré sur mes oreilles, je me demande comment je vais tenir le rythme musculaire ! C’est alors que de Just ‘Cos You Got The Power (Rock N’ Roll 1987) à Brotherhood Of Man (The World Is Yours 2010), le tempo me permet de reprendre momentanément des forces pendant 3 morceaux, et en l’honneur de Lemmy, avoir l’occasion de faire couler une larme de Jack’s dans mon gosier sans mettre un coup de boule à mon verre, en plein headbanging effréné. La pause est courte, car la ligne directrice reste tout de même la brutalité poétique. Et on va en avoir !
Je fais une nouvelle parenthèse sortie des cours de fac en « proportions et décimales temporelles de la musique metal » pour vous préciser que sur les 42 titres, il y en a sept des années ’70, dix des années ’80, 11 des années ’90, 9 des années 2000 et finalement 5 de la dernière décennie de tabassage officiel. Tout ça pour vous dire que c’est éparse et open sur l’ensemble de l’histoire du groupe, et si dans votre discothèque personnelle vous possédez un ou deux skeud de Motörhead, dites-vous bien que vous allez découvrir quelque chose, un univers entier que vous ne soupçonnez pas. Et si vous avez tout (et le reste !) sur Motörhead, vous allez adorer surfer sur les décennies de ce trio* du Rock. (* Sauf de ’84 à ’95 où le band a été un quatuor.) Ne cherchez pas la chronologie dans cet opus : les dates sont d’un second ordre et on se rend bien compte que l’identité en acier trempé de Motörhead tient la route du démarrage premier au freinage final. D’ailleurs, la compil’ se conclut par un morceau de 1977, éponyme au groupe. Un au-revoir magnifique qui pourrait retentir dans le stade alors que les musiciens quittent la scène derrière les murs d’une fumée épaisse et mystérieuse, nous laissant la larme à l’œil avec la pensée triste de ne plus les revoir.
Noël approche, c’est la saison des contes et des légendes qui font briller les yeux des enfants et sourire de plaisir les plus grands. Nous sommes donc pile dans les temps pour commencer à raconter aux plus jeunes qu’un jour, trois hommes ont changé la face du Rock N’ Roll. Pour mieux se faire, laissez tomber les bouquins illustrés, faites chauffer les platines avec Everything Louder Forever (The very Best of) et laissez vous porter par la simplicité qui a toujours caractérisé ces monstres sacrés :« We are Motörhead and we play Rock N’ Roll » qu’il disait.